© Christian Lutz
Le 23 avril dernier, le photographe Christian Lutz et son éditeur ont fait savoir qu'ils acceptaient la décision de justice qui interdisait la parution du livre In Jesus' Name. A sa sortie en novembre 2012, des dizaines de membres de l'Eglise évangélique International Christian Fellowship avaient déposé plainte au nom du droit à l'image. Malgré son abandon, le photographe dénonce une atteinte à la liberté d'expression.
Christian Lutz est membre de l'agence VU. Depuis toujours, sa démarche photographique est la même : il s'intéresse aux hommes et à leurs interractions. En 2009 il lance sa carrière avec une enquête sur le pouvoir politique, Protokoll, suivi un an après de Tropical Gift, sur le pouvoir économique. Ces deux ouvrages devaient ensuite être suivis de In Jesus' Name en 2012. Un travail cette foi-ci sur le pouvoir religieux et notamment au sein de l'International Christian Fellowship (ICF).
Une immersion dans l'une des Eglises les plus importantes de Suisse, inspirée du modèle des « megachurches » américaines. En 2011, le photographe a rencontré Léo Bigger, pasteur et fondateur du mouvement évangélique qui l' mis en relation avec d'autres managers de l'Eglise. Christian Lutz a expliqué avoir alors reçu l'autorisation des responsables de mener à bien son projet photographique. Dans une interview accordée à Actuphoto en février dernier, il a d'ailleurs confié « tout le monde me connaissait, ainsi que ma démarche photographique. Je photographiais au vu et au su de tous. »
Cependant, une décision de justice a suspendu la diffusion du livre peu après sa sortie en novembre 2012, après qu'une vingtaine de personnes appartenant à l'ICF a déposé plainte. En Janvier, la justice suisse a confirmé la censure, engageant alors une procédure judiciaire lourde pendant laquelle le photographe a dû démontrer le caractère informatif et l'intérêt général de son livre.
Le 25 avril 2013 ses avocat ont finalement annoncé accepter la décision de justice. Christian Lutz a notamment expliqué ne plus avoir confiance en la justice où n'est permis ni débat ni question. Le photographe indépendant ne peut par ailleurs plus assumer financièrement les conséquences d'une telle décision de justice. L'affaire est donc terminée ? Pas vraiment. Quelques jours plus tard, l'avocat des plaignants a expliqué qu'il déposera un nouveau dossier de plaintes, « parce que la situation juridique n'est pas claire. » Les avocats de Christian Lutz attendent désormais avoir plus d'information à ce sujet.
Pour le photographe, cette affaire dépasse In Jesus'Name. « Il ne s'agit pas de Christian Lutz et de son travail, mais d'une défense de la liberté d'expression, de la liberté de l'art et de la liberté d'informer. […] Censurer ce travail, c'est porter atteinte à la démocratie », a-t-il expliqué à Actuphoto en février dernier. Une situation regrettable à quelques jours de la Journée Internationale de la liberté de la presse.
Clémentine Mazoyer