Daniel Morel, Haiti © Karl Melander
Le 14 janvier 2013 peut devenir une date symbolique pour le photojournalisme. Ce jour-là, le tribunal de New-York condamne la grande Agence France Presse pour avoir exploité le travail d'un photojournaliste sans son consentement. Ce photojournaliste, c'est Daniel Morel, l'un des premiers qui saisit le tremblement de terre à Haïti en janvier 2010. Poster ses clichés sur Twitter le conduira en mars 2010 devant les tribunaux: l'AFP, le journal Getty et le Washington Post diffusent et publient allègrement ses photographies sans se soucier d'autorisation, de droits, de respect.
Au delà du conflit qui oppose le journaliste Daniel Morel à ces groupes de presse, il faut y voir un dysfonctionnement éthique dans le circuit de l'information. Faut-il enterrer l'idéal d'un journalisme démocratique, professionnel et intègre comme les directeurs des groupes de presse enterrent les journalistes eux-mêmes? Si l'on interdit au photographe la paternité de son travail, que reste-t-il du commentaire photojournalistique? En s'en allant piocher aveuglément dans Twitter les images nécessaires pour illustrer un événement, l'AFP écrase non seulement un statut professionnel mais aussi la valeur-ajoutée de la photographie. Tout en acceptant de plus en plus de clichés amateurs, libres de droit, les agences de presse profitent de l'instabilité juridique du numérique et des plateformes de diffusion.
Le cas de Daniel Morel met en lumière la dévalorisation croissante que subissent les photoreporters. Si l'indemnisation pourrait dépasser le million de dollars, c'est un rappel sur les fondements déontologiques de la presse et du travail qu'il faudrait marteler.
Orianne Hidalgo