© Elina Brotherus, "The Black bay" 2010
Palais des Beaux-Arts de Bruxelles Rue Ravenstein, 23 1000 Bruxelles Belgique
L'exposition principale de la biennale de photographie "Summer of Photography" rassemble environ 160 photographies de paysage réalisées par plus de 40 photographes européens contemporains, dont Olafur Eliasson, Carl De Keyzer, Elina Brotherus, Pedro Cabrita Reis, Marianna Christofides, Andreas Gursky et Massimo Vitali.
Dans le cadre de "Summer of Photography", BOZAR invite tous les 2 ans une trentaine de partenaires belges à participer à un grand festival autour de la photographie. Le thème de l'édition 2012 est la photographie de paysage. Alors que la photographie (d'art) servait autrefois de modèle à la peinture, elle a évolué jusqu'à devenir une discipline indépendante avec des genres propres dédiés au paysage.
Le Palais des Beaux-Arts organise l'exposition phare de la biennale : Sense of Place. European Landscape Photography. Avec environ 160 œuvres de 40 photographes européens, cette exposition présente la diversité des paysages nationaux et régionaux dans le contexte de l'Union européenne. L'exposition met l'accent sur les similitudes et les différences à travers l'Europe, tant dans les paysages que dans le rapport des hommes avec ceux-ci. Les œuvres sont réparties en trois catégories suivant leur région : Europe du nord, Europe centrale et Europe sud.
La curatrice, Liz Wells, in Photographic Culture à l'université de Plymouth, a sélectionné des œuvres de jeunes talents et de photographes de renommée internationale, comme Andreas Gursky (Allemagne), Elina Brotherus (Finlande), Massimo Vitali (Italie), Olafur Eliasson (Danemark), Chrystel Lebas (France), Joan Fontcuberta (Espagne), Pedro Cabrita Reis (Portugal) et Carl De Keyzer (Belgique). À travers leurs photos, tous dévoilent une vision personnelle du paysage de leur pays natal.
Sense of Place s'articule autour de trois grands axes. Premièrement, l'exposition aborde le paysage national dans un contexte européen élargi. Depuis toujours, les identités nationales et régionales naissent de la relation avec une certaine région et du degré de dépendance maintenu avec celle-ci. Avec ses climats, ses cultures, ses densités de population et la variété de ses matières premières, l'Europe se distingue par la diversité de ses paysages aussi bien sur le plan géologique et agricole que sociologique. L'exposition explore la manière dont les différences culturelles survivent malgré l'unité politique et économique qui fait fi des frontières. Le deuxième pilier de l'exposition s’interroge sur l'esthétique de la photographie de paysage et le concept de « lieu ».
© Carl de Keyser, Blankenbergerge Belgium, Moments before the flood
Les lieux prennent de l'importance en fonction de la manière dont ils sont présentés et des histoires qui leur sont propres. De quelle manière la photographie contemporaine contribue-t-elle à la vision et à la perception de l'environnement ? Le troisième et dernier pilier constitue en une approche plus philosophique de la relation entre l'homme et la nature. Aujourd'hui, de nombreuses régions en Europe sont urbanisées et marquées par l'architecture de l'économie postindustrielle (zones industrielles, centres commerciaux,…). L’homme moderne s’est fortement éloigné de son environnement naturel. La nature et ses représentations continuent cependant de nourrir et d'influencer son sentiment d'identité.
Pour beaucoup, le mot « paysage » évoque avant tout des images idylliques de nature vierge, des lieux utopiques de repos et de détente. Chrystel Lebas (France) documente les effets des changements de lumière sur un lac pendant 24 heures. Les photos de Per Bak Jensen sont des représentations presque méditatives de chutes d'eau, du littoral ou de forêts de son pays natal, le Danemark. Irene Kung (Italie) présente des photos d'oliviers, image typique de la nature italienne. Les paysages breughéliens d'Alexander Gronsky (Lettonie) ou les images stéréotypées de la vie paysanne irlandaise de Jackie Nickerson semblent venir d'une autre époque, à tel point que la nature devient presque partie intégrante de notre patrimoine. Ilkka Halso (Finlande) va encore plus loin et expose des photos numériques retravaillées de « musées de la nature » imaginaires. Gerry Johansson (Suède) présente, entre autres, une série de photos en noir et blanc de son village natal devenu une réserve naturelle protégée. La photographie lui permet de documenter ce qu'il en reste. Idem pour Theodoros Tempos (Grèce), qui explore une ancienne zone de pêche. Dans le travail de Peter Kostrun (Slovénie) apparaissent des espaces naturels mystérieux enveloppés de brume. Les éléments qui n'étaient pas assez lyriques ont-ils été délibérément négligés ?
© Massimo Vitali, Cataria Under the Volcano, 2007
Les paysages sont souvent fort influencés par l'activité humaine. Les impressionnantes photos de plages surpeuplées de Massimo Vitali (Italie) sont une allégorie de la culture de masse contemporaine. Les évolutions économiques déterminent aussi fortement l'aspect d'un paysage. Les images de Thomas Weinberger (Allemagne) et de Maros Krivy (Slovaquie) montrent une industrialisation grandissante qui fait disparaître la nature sous des câbles, autoroutes et autres zones industrielles. Céline Glanet.a capturé dans son objectif une gigantesque centrale hydroélectrique qui surgit au milieu du Beaufortain, dans les Alpes françaises. Mais le courant économique peut aussi s'inverser. Anthony Haughey montre comment la crise irlandaise a transformé le paysage en un chantier surdimensionné et inachevé. Gerardo Custance a photographié les alentours de Madrid, dans un rayon de 150 km autour de la capitale. Des images effarantes, à l'instar du portrait de la Hongrie natale d’Arion Gábor Kudász.
Les paysages ont une histoire, ils affichent des cicatrices politiques et des signes de trouble. Marianna Christofides nous rappelle que Chypre reste une terre divisée. Bart Michiels (Belgique) étudie subtilement les conséquences des grandes batailles historiques sur le paysage contemporain, de Bastogne à Passendale. Flo Kasearu (Estonie) place des ballons noirs à des endroits politiquement sensibles et donne ainsi une signification au paysage. Vesselina Nikolaeva met la nature de la frontière bulgaro-turque en images, un no man's land angoissant. Jem Southam insiste sur les similitudes entre les falaises des côtes anglaise et française. Il fait référence à la séparation géologique et politique du continent. Andreas Müller-Pohle se laisse dériver sur le Danube, le fleuve qui relie la Forêt-Noire à la mer Noire et symbolise les tensions entre l'Europe occidentale et orientale. Alors que « Rhein II » d'Andreas Gursky (Allemagne) nous propose une représentation bucolique de l'une des routes navigables les plus utilisées d'Europe, reliant le Nord au Sud.
Pour représenter le paysage, il faut parler la langue de l'esthétique. Joan Fontcuberta (Espagne) fait référence aux paysages des tableaux de Dali, Andreas Gursky présente ses paysages dans un style si dépouillé qu'ils en deviennent presque abstraits. Il en va de même pour Olafur Eliasson avec sa série d'horizons allongés à l'infini et pour Gerco de Ruijter qui nous fait penser à Piet Mondrian avec ses paysages agricoles hollandais extrêmement soignés. Enfin, l'œuvre d'Elina Brotherus (Finlande) nous replonge dans le romantisme.
Vignette : © Elina Brotherus, "The Black bay" 2010