© Juan Carlos Alom
Cuba : un siècle de photographie
Cette exposition est le résultat d’une investigation minutieuse menée dans les fonds de la Photothèque de Cuba, ainsi que dans les autres archives de l’île, avec l’intention de refléter pour la première fois en une sélection d’images, l’histoire de la photographie cubaine du 20e siècle. Ce sont ainsi de nombreuses archives, tant publiques que privées, qui ont été étudiées, des milliers de photographies et de négatifs qui ont été visionnés. La sélection a été effectuée sur la base de la qualité des images et de l’importance des auteurs, également sur des critères historiques et documentaires, et donne une vision claire du riche paysage photographique cubain depuis 1898 jusqu’à la fin du siècle passé.
Au cours de la période initiale de la Guerre d’Indépendance, à la fin du 19e siècle, l'on peut mesurer l'apport de photographes comme José Gómez de la Carrera, témoignant des événements de la guerre avec l’Espagne. Un témoignage qui va au-delà de la stricte valeur documentaire et qui constitue un des premiers du genre. Les œuvres d’Elías Ibáñez et d’autres d’un photographe inconnu nous offrent une vision enrichissante d'une période très importante pour Cuba et l’Espagne.
La période qui s’étend des premières années du 20e siècle jusqu'aux années trente trouve un écho dans les photographies d’auteurs de l’importance de Generoso Funcasta, López Ortiz, Martínez Hilla, Ernesto Ocaña, Santa Coloma, José Tabío, etc., une période au cours de laquelle l’image a acquis une grande importance à travers les différents périodiques édités dans l’île. Les images des grands bals de salon du Centro Gallego sont contemporaines d’autres photographies à caractère plus social traitant des conditions de vie du peuple cubain. Une mention particulière s’impose pour le travail de Joaquín Blez, photographe du pouvoir et de la haute bourgeoisie, d’un goût exquis dans le traitement du nu et du portrait. Les années précédant la Révolution - années d’agitation politique, de manifestations, d’influence nord-américaine dans l’île, etc. - s’expriment par l’appareil photographique de Constantino Arias et de Moisés Hernández, dans les archives du «Diario de Cuba» à Santiago, les fonds de la revue «Bohemia», ou le «Diario de La Marina» de La Havane, offrant une vision complète d’une autre étape cruciale de ce siècle agité pour l’île.
Au triomphe de la Révolution, émerge un autre groupe de photographes réalisant les images qui figureront parmi les plus diffusées de l’histoire, des photographies aussi connues que leurs auteurs, Alberto Díaz «Korda», Raúl Corrales, Osvaldo Salas, Ernesto Fernández.
Nous parvient ensuite une vision sociale perceptible dans l’œuvre d’auteurs aussi remarquables que «Marucha», «Mayito», Roberto Salas, etc., et, pour les dernières années, un témoignage d'une vision et d'une conception différente de la photographie : Mario Díaz, Alfredo Sarabia, Raúl Cañibano, Cristóbal Herrera, Eduardo Muñoz et d’autres.
L’ultime période est marquée par des auteurs qui réalisent une photographie actuelle, au travers de l’essai photographique, du nu, de la photographie conceptuelle, Marta María Pérez, Abigail González, Cirenaica Moreira, Leandro Joó, Juan Carlos Alóm entre autres.
Jean-François Spricigo, romanza
Le photographe belge Jean-François Spricigo œuvre essentiellement en noir et blanc. Il photographie des animaux, des personnes, des paysages. Mais ce ne sont pas tant les thématiques que l’on retient de ses images, ce n’est pas non plus la vision directe d’une réalité instantanément appréhendable. Ces photographies n’apportent pas de réponse, elles posent des questions. En conviant la mémoire du photographe et du spectateur, elles appellent à vivre une expérience. L’expérience d’une vision. Celle d’un univers qui nous est à la fois étranger (dans le sens d’étrange mais aussi d’inaccessible) en ce qu’il semble toucher au plus insondable, au plus intime du photographe tout en nous attirant. Peut-être, pour reprendre les mots de Blanchot, parce qu’il met en jeu cette "présence-absence qui fait l’attrait et la fascination des Sirènes ?"
Aux yeux de certains, les images peuvent paraître sombres, et pourtant elles sont toutes empreintes de la tendresse d’une romance, elles nous invitent à (s’)y glisser, à expérimenter notre propre sensation, notre capacité à ressentir. L’appel du grain peut-être, des contrastes entre les zones d’ombre et de lumière, ou pourquoi pas la tentation de compléter une forme ici, de poursuivre sa dilution là, de l’accompagner, de s’y perdre. On pourrait presque avoir envie de fermer les yeux. On redoublerait alors le processus créatif du photographe lui-même. Il dit à ce propos : "l’image que je fais, c’est celle que je vois quand je ferme les yeux. L’objectif étant de raconter comment rendre compte d’une sensation. C’est un regard flou sur un monde troublé et troublant, et si je dois décrire mes images à un aveugle, je dis qu’il fait froid et que c'est à nous de nous réchauffer". Cette dualité entre voir et ressentir traverse l’histoire de la photographie.
Spricigo se dit "attaché au sujet de l’absence et convaincu que l’art tout comme les sentiments sont contenus dans l’idée de perte". Cette expérience de la perte, on la vit tous de façon individuelle. C’est l’image dont parle Barthes que l’on ne peut montrer parce qu’elle n’existe que pour nous, à moins qu’elle ne soit prête à se réveiller en chacune des photographies de Jean-François Spricigo ?
Les Heures claires. Jeux de plage à la Côte belge - 1890-1960
Les heures claires, doux souvenirs où l’on profite de la journée parmi les éclats ondins, où les enfants s’opposent aux ressacs marins avec leur château de sable, et où les parents oublieux de la frénésie quotidienne s’abandonnent à savourer le temps de ces quelques heures pures, de ces instants rapidement oubliés. Mais l’appareil photo n’est jamais loin, côtoyant la crème solaire ou le chapeau. Il capture l’instant pour restituer le temps, il immortalise l’action pour rendre l’atmosphère. Il est l’antidote à nos amnésies.
Le Musée de la Photographie vous invite à flâner sur cette digue aux souvenirs, dernier rempart à l’oubli, les photographies présentées vous étonneront, vous amuseront ou vous interrogeront sur le passé de notre «Côte». A côté des anonymes, Willy Kessels s’expose avec une série de photographies prises lors des tournages ostendais d’Henry Storck. Tantôt surréalistes, tantôt sensuelles, ces images tranchent la chronologie des anonymes par leur modernité. Face à la retenue anonyme, il suggère et découvre la féminité et s’adonne à photographier la plage avec un œil plasticien. Enfin, deux autochromes stéréoscopiques de 1911 apporteront une des rares touches de couleur sur cette plage en bichromie. Ces deux témoignages tridimensionnels appuieront votre imagination du chatoiement de jadis que connaissait notre littoral.
Vignette : © Anne-Sophie Costenoble