Discours de Bertrand Delanoë, durant la remise du prix Lucas Dolega
Lucas Dolega. C'est un nom qui n'évoque pas grand chose au grand public. Pourtant, il fait partie des douze reporters morts depuis le début du printemps arabe. Le 14 janvier 2011, au tout début des révoltes populaires en Tunisie, ce photo-reporter de 32 ans est mortellement touché par un tir de gaz lacrymogène. Depuis, une association à son nom s'est constituée, pour que personne n'oublie les risques que prennent, chaque jour, les journalistes et photographes en tentant de rapporter la réalité de ces terrains dangereux. Cette dernière a également sollicité la Mairie de Paris et, avec son soutien, a lancé le prix Lucas Dolega, dont la première remise de prix s'est déroulé hier dans une salle de l’Hôtel de ville.
Ecoutez le discours de Bertrand Delanoë lors de la remise du prix Lucas Dolega : http://soundcloud.com/actuphoto/delanoe-dolega.
En partenariat avec Nikon et le magazine Polka et soutenu par Reporters sans frontières, ce prix récompense le vainqueur par une dotation en matériel, mais aussi par la diffusion de son travail et le financement d'un autre reportage photo dans un numéro du magazine. Il vient spécifiquement récompenser la couverture d'une situation de conflit ou de catastrophe naturelle ou sanitaire. Près d'une centaine de dossiers de 98 candidats venus de 22 pays ont été déposées auprès de l'association.
Après présentation des œuvres en compétition, la directrice du jury Daphné Anglès, rédactrice Photo Europe pour The New York Times a remis le prix au photographe Emilio Morenatti. Son reportage Displaced in Tunisia, traitait de l'immense exode qui a suivi les heurts en Tunisie. Le jury a salué la belle composition des images, mais aussi leur force et leur justesse dans la représentation de la situation sur place. Venu recevoir son prix, Morenatti a rendu hommage à Lucas Dolega et dédié son prix à tous ceux qui ont couvert et couvrent encore les zones de guerre au péril de leur vie. « Je n'ai pas connu Lucas et j'aurais voulu que ce prix n'ait pas de raison d'exister » a-t-il déclaré.
Le maire de Paris Bertrand Delanoë s'est également exprimé sur le sens de cette distinction. Un moment « intense, même s'il réveille des souffrances ». Le symbole est d'autant plus fort qu'elle intervient quelques jours après le décès de Gilles Jacquier, reporter pour France Télévision en Syrie. Le maire salue le « courage » des journalistes, dans un monde où l'on tue pour empêcher les peuples d'accéder à leur liberté. Il faut selon lui « se rassembler autour de valeur pour défendre le droit à l'information », « là où des peuples réclament la liberté », mais aussi dans les démocraties « installées », référence à l'incendie des locaux du journal satyrique Charlie Hebdo. Enfin, Bertrand Delanoë a renouvelé l'engagement de la Mairie de Paris pour la liberté de la Presse et assuré qu'elle était ouverte aux propositions et aux projets la défendant.
Pierre Meunier, membre de l'association et ami de Lucas Dolega a ajouté que l'objectif du prix était le rappel à tous de la prise de risque, du soutien qu'il faut apporter aux photographes, mais aussi une sensibilisation de l'opinion publique à la dangerosité du métier de reporter. En 2011, 106 journalistes ont été tués dans le monde d'après la Fédération internationale des Journalistes. Lucas Dolega était l'un d'entre eux.
Mise à jour du 25 janvier : Le reportage Displaced in Tunisia, d'Emilio Morenatti, lauréat de la 1ère édition, sera exposé en février prochain, à la Galerie de la Maison des Photographes.
Mathieu Brancourt, le 19 janvier 2012