© Ron Galella
« Smash his camera !» C'est l'ordre que Jackie Kennedy donna à ses gardes du corps pour tenter de mettre un terme à la carrière de Ron Galella. Ce photographe, considéré comme le maître des paparazzis, est le sujet du documentaire de Leon Gast, sorti en DVD chez Wild Side. La rédaction d'Actuphoto met en avant un film coup-de-coeur, coup de projecteur sur la démarche insensée du chasseur de stars.
Une chambre noire banale, à la limite de l'obsolète. C'est par là que débute le film ; Ron Galella est un artisan de la photo. On le comprend immédiatement. Il développe LA photo, celle qui revient en filigrane au cours du documentaire ; Jackie Kennedy, en mouvement dans une rue ensoleillée, ses cheveux bruns flottant sur un visage souriant. Elle est sa muse, son « amoureuse » comme il confiera plus tard dans le film. Même après deux « divorces » (deux procès que la Dame du pays intentera contre lui), il ne cessera jamais de l'admirer.
Souvent qualifié de « monstre » par les célébrités, ainsi que par ses comparses photographes, toujours outsider après 40 ans de métier, Ron Galella a tout de même des admirateurs. « Une bonne photo montre une star qui ne fait rien de brillant. C'est pourquoi Ron Galella est mon photographe préféré. » dira Andy Warhol. Robert Redford semble un plus crispé à l'arrivée de « Papi Galella » lors d'une réception mondaine, mais le photographe est une légende qui force le respect.
©2010 Got The Shot Production, LLC. Tous droits réservés.
L'octogénaire ne recule devant rien pour assouvir sa curiosité. On le suit et l'observe échafauder des plans pour pénétrer dans un hôtel ou pour récupérer des informations auprès des chauffeurs de limousines. On s'étonne devant les ressources qu'il mobilisera à l'époque pour prendre quelques clichés sur l'intimité du couple Liz Taylor/ Richard Burton (3 jours enfermés dans une usine désaffectée surplombant leur yacht!). Mais pourquoi une telle manière de travailler ? « Ma mère adorait les paillettes, je voulais lui faire plaisir. » confie-t-il.
Par ces méthodes rocambolesques, il a bouleversé les codes de la photographie « people » dans les années 60's. Cet américain est encore très controversé, notamment au niveau de la reconnaissance de son travail (dont des tonnes d'archives soigneusement gardées). Les débats houleux entre intellectuels et photographes à travers le film, partagés sur la personnalité de Galella et la portée à donner à son travail, le prouvent. Habituellement agité comme un enfant de 12 ans, le « Maître » se justifie alors en parlant business : la meilleure photo est avant tout celle que les magazines achètent le plus cher.
©2010 Got The Shot Production, LLC. Tous droits réservés.
L'homme qui a couvert les frasques du fameux Studio 54, et qui a perdu 5 dents à cause de Marlon Brando, demeure un excentrique. Mais l'époque n'est plus la même, et ce collectionneur de lapins en plastique constate ; « Les icônes n'existent plus.» Son travail est le témoin de l'émergence de la démesure dans le « star system ». Démesure banalisée aujourd'hui, et standardisée ; les photos de Galella, éternel marginal, se perdent dans la masse.
Le film de Leon Gast est poignant et très bien cadencé ; on y voit la photographie à la fois comme une arme puissante, une seringue à énergie, un rempart contre le monde. De nombreux témoignages éclairent un personnage emblématique des paparazzis :« Papi Gallela » court toujours les stars, mais pour se faire plaisir. Avec son personnage d'enfant insatiable, jamais intégré au milieu des célébrités, il est pourtant devenu lui-même une étoile. Et quelle étoile !
Lise Ménalque, le lundi 28 novembre 2011