Le siècle des femmes, c'est le titre du numéro 2 de la revue 6 Mois - Le XXIe siècle en images, actuellement disponible en librairie. Après avoir rencontré Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef de la revue (lire l'interview ici : http://actuphoto.com/18878-entretien-avec-marie-pierre-subtil-redactrice-en-chef-de-6-mois.html">http://actuphoto.com/18878-entretien-avec-marie-pierre-subtil-redactrice-en-chef-de-6-mois.html),), au moment de son lancement, Actuphoto vous fait aujourd'hui partager ses coups de cœur parmi les nombreux sujets du numéro 2.
Sorti le 24 mars 2011, le premier volet de 6 Mois ressemblait à un défi, dont on pourrait dire aujourd'hui qu'il a été relevé haut la main. Plus de 42 000 exemplaires ont été vendus et près de 1000 abonnés ont déjà rejoint la revue.
Il faut dire que le tout est attrayant. Le format, volumineux, plus de 350 pages. La maquette élégante et claire, conçu par Quintin Leeds, ancien directeur artistique du Monde et de Libération, qui en fait «un bel objet à feuilleter et à dévorer, à lire et à relire, un objet sensuel et odorant, qui se garde et qui s'offre ».
La qualité des reportages enfin. L'équipe de 6 Mois ne retient que les sujets qui ont fait l'objet d'un long travail. « 6 Mois veut des histoires incarnées et une narration » tout en montrant « le monde tel qu'il est aujourd'hui ».
La revue, qui rend hommage au photojournalisme, permet aux lecteurs aguerris et férus de photographie de découvrir le travail de différents photographes talentueux et souvent peu diffusés ailleurs, en variant les styles et les genres. Dans ce deuxième numéro, l'actualité est traitée mais toujours sous des angles originaux et par le biais de reportages de fond.
Focus et coups de cœur de la rédaction :
En Libye, l'OTAN entre en guerre - Eric Bouvet. Après un mois de soulèvement, le 19 mars 2011, des avions occidentaux attaquent pour la première fois les troupes du colonel Kadhafi. A quelques heures près, Benghazi, la grande ville de l'est libyen, défendue par ses seuls habitants, pouvait tomber. Eric Bouvet était sur place. Quatorze photos insolites sont présentées et légendées par le photographe. Agitations, rassemblements, bombardements, tirs, éclats et cris résonnent à travers ces clichés.
Haïti, une mort encadrée. Une photographie prise à Haïti fait scandale et provoque un débat. Fabienne Cherisma, jeune Haïtienne âgée de 15 ans, est tuée par un policier après le tremblement de terre. Quatorze photographes se rassemblent autour du cadavre pour immortaliser ce moment. Cinq des photographes recevront un prix pour ce cliché. Un an après, la controverse éclate et les critiques fusent. Un débat autour des limites de la représentation est lancé. L'indignation change de bord, on ne se révolte plus contre la violence de ce crime mais contre les photojournalistes, assimilés à des vautours (voir l'article d'Actuphoto sur le sujet : http://actuphoto.com/18878-entretien-avec-marie-pierre-subtil-redactrice-en-chef-de-6-mois.html">http://actuphoto.com/18878-entretien-avec-marie-pierre-subtil-redactrice-en-chef-de-6-mois.html),). Un débat intéressant, qu'on aurait aimé plus dense.
Au Japon, cent jours après. Ce reportage a le mérite d'être plébiscité. Enfin un angle différent et pertinent sur la société japonaise. Cent jours après la catastrophe, après la tristesse, l'agitation et le désordre, les japonais tournent la page. Pour faire face au drame, ils organisent une multitude de commémorations. 6 Mois a sélectionné neuf clichés de Getty images, l'AFP, et Reuters. Les photos en couleur sont d'une grande humilité, elles ne se concentrent plus sur les débris et les ruines de la catastrophe, au contraire, elles rendent hommages aux survivants et aux disparus.
Le choix de Cécilie - Mads Nissen. Eblouissant et touchant. Construit sous forme d'histoire, Le choix de Cécilie narre le parcourt d'une danoise qui tente l'impossible pour sauver une petite fille népalaise atteinte d'hydrocéphalie. Dans un journal danois, la photo d'une enfant malade et abandonnée dans un hôpital népalais interpelle Cécilie qui décide de partir pour Katmandou dans le seul but d'aider cette petite fille. Elle prend des congés, laisse son fils de un an à la garde de ses beaux-parents, et part. Une histoire touchante que Mads Nissen, photographe, raconte avec délicatesse et émotion.
La prison de la drogue - Lu Nan. Depuis 2002, la culture du pavot est interdite et illégale en Birmanie. Lu Nan, photographe, a passé trois mois dans la prison de Yonglang où les consommateurs et trafiquants de drogue sont arrêtés et incarcérés. Ce reportage en noir et blanc pointe du doigt les conditions précaires des prisonniers. Dans la prison de Yanglong, il y a des hommes, des femmes mais aussi des familles. C'est le cas de Gao Xiaoya, incarcérée pour avoir vendu de la drogue. Personne ne pouvant s'occuper de ses enfants, ils l'ont suivie en prison.
Les conditions d'hygiène y sont dramatiques et les punitions, drastiques. Mais le plus alarmant reste la totale inefficacité de ces prisons. « Côté consommateurs, la répression ne marche pas du tout. Sevrés violemment dans les prisons, sans aucun programme de désintoxication ni médicaments pour gérer le manque, ils retombent dans la drogue dès leur retour à la liberté » confesse Tom Kramer, spécialiste de la région birmane.
Vingt-quatre photos expliquent le déroulement du quotidien des prisonniers. Tout y est décrit, les visites, les cellules, les conditions de vie, les punitions, la restitution de l'eau et les camps de travail. Le reportage photo est suivi d'un dossier complet qui traite des difficultés qu'ont engendré cette loi sur l'interdiction de la culture du pavot. Tom Kramer, spécialiste de la région, relate et discute des effets économiques, sociaux et sanitaires de la brutale interdiction de l'opium, complété par une rubrique « en savoir plus » qui approfondi le sujet.
Un sujet passionnant et complet qui incitera les lecteurs à se pencher plus en avant sur ce fléaux qu'est l'opium. Car la Birmanie n'est pas le seul pays d'Asie du sud-est à être touché, deux autres pays du triangle d'or ; le Laos et la Thaïlande composent depuis les années 1950 l'une des principales zones mondiales de production d'opium.
Nous ne pouvons qu'inciter nos lecteurs à acheter ce deuxième volet de 6 Mois, qui accorde au photojournalisme la place qu'il mérite. Pour 25 euros, vous aurez ainsi accès à environ 500 photos - et uniquement des photos, car la publicité est bannie de la revue. La ligne éditoriale de la revue est un autre de ses points forts : il ne s'agit pas d'un album photo mais bel et bien de reportage et d'enquête. L'image est au premier plan, mais elle est éclairée par l'écrit.
Les différents reportages plongent le lecteur dans des histoires narrées par un œil, celui du photographe qui nous décrit le monde avec émotions. 6 Mois nous fait voyager au quatre coins de la planète, on apprend, on s'instruit et on se fait plaisir. Après le succès des deux premiers numéros, nous attendons avec impatience le troisième, qui sortira le jeudi 22 mars.
Alexandra Lambrechts, le 28 Octobre 2011.