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Mois de la photo 2010 Point information 5,7 rue de Fourcy 75004 Paris France
Rien de plus commun aujourd’hui que les images de la sexualité – du moins dans les sociétés occidentales. Autrefois argentiques, elles sont numériques désormais. Ce changement n’a fait que multiplier leur nombre et accélérer leur diffusion. Il a « amélioré » la qualité technique puisque retouches, suppressions et additions sont à portée de programmes. Lumières et couleurs se fabriquent pareillement. Des corps féminins et masculins aux mensurations ad hoc, des caméras, des ordinateurs: ainsi s’obtiennent des vues mobiles ou immobiles de toutes les combinaisons sexuelles possibles selon le nombre des participants. Plus ceux-ci sont nombreux, plus elles sont complexes : toujours des affaires de calculs. On commence à 2, on finit à 4, 5 ou plus selon le budget. La pornographie, c’est la sexualité régie par des chiffres, hors de toute vraisemblance.
Les photographies ici présentées n’ont rien de commun avec cette industrie visuelle. Elles se placent à l’exact opposé. On n’y observe le plus souvent qu’un seul corps. Ce sont des tirages noir et blanc de petites dimensions, pour la plupart. Ils opposent à la perfection des logiciels les manipulations empiriques et hasardeuses d’un homme qui, par exemple, travaille en tout et pour tout avec le corps de sa maîtresse et le sien, quelques accessoires, des bas de soie, des ciseaux et un matériel de tirage et développement de moyenne qualité. Cet homme, c’est Pierre Molinier dont on scrute les oeuvres avec une attention inlassable. L’adéquation est parfaite entre ses désirs et les formes dans lesquels il les projette : désirs privés, à peine avouables, et images de taille réduite, à tenir dans la paume de la main ou à garder dans un petit livre – comme le propose Hans Bellmer. Lui aussi est un empirique et un bricoleur – de sa poupée d’abord, puis des mises en scène qu’il peut disposer grâce à elle. Elle n’a pas l’air vrai et ne peut tromper aucun regard. C’est qu’il ne s’agit pas de produire une représentation détaillée et en gros plan d’une activité sexuelle, mais de tracer les hiéroglyphes du désir et du plaisir.
L’abstraction du noir et blanc y contribue. De cette propriété, Man Ray a tiré les conséquences merveilleuses que l’on sait. Florence Henri se joint à ces surréalistes et, du motif de la femme qui se pâme, donne une version d’autant plus captivante que les fleurs qui l’entourent ne sont pas de pure ornementation.
Image mentale décidément. Ainsi s’inscrit-elle dans la mémoire, ce que ne peuvent les imageries pornographiques actuelles, interchangeables, à peine aperçues, déjà oubliées. Aussi est-il logique que les vivants qui se trouvent en si belle compagnie – Annie Leibowitz, Jean-Jacques Lebel ou Miguel Rio Branco – ne fassent allusion à cette industrie qu’avec ironie, par le détournement ou la parodie.