L’adolescence est ce moment singulier auquel nous sommes confrontés à notre propre image, et où nous avons soudain le pouvoir d’agir sur elle, que ce soit pour la modifier, la construire ou s’en défaire. Or, aujourd’hui, cette image de l’adolescence est en train d’évoluer, de se fragmenter au cours d’un phénomène sans précédent : en 2009, on recensait près de 24 millions de blogs adolescents francophones sur le web. C’est pourquoi cette exposition propose deux travaux qui sont une sorte de relecture/réappropriation de cette esthétique des blogs, et deux approches plus classiques.
Entre naturel, indécision et mise en scène, 4 regards sur l’adolescence, vue de l’extérieur et vécue de l’intérieur, par 4 jeunes photographes pour qui cette période n’est pas si éloignée.
Sandrine Derym va à la rencontre d’adolescent(e)s. A pas feutrés, elle entre dans leur monde, prend du temps pour créer avec elles, avec eux, un rapport d’intimité. Le sujet, le lieu, les conditions de la prise de vues, sont parfois élaborés ensemble, modèle et photographe. Les poses (choisies librement par les modèles) retrouvent une étrange similarité, une même douceur rêveuse. Par delà le moment étiré en images, on voit, sur ces photographies des corps dans l’attente, à la recherche d’une position dans l’espace, d’un appui, d’une attitude. Un jeu de regards avec l’objectif : pudeur, évitement ou assurance.
Tout autres sont les images de Lynn SK, extraites de deux séries intitulées « Solaire » et « Poussières et particules ». Ses modèles semblent fusionner avec la lumière (se fondre dans les
éléments jusqu’au vertige). Et c’est peut-être cela, l’ambiguïté existentielle de l’adolescence : être travaillé par l’image jusqu’à se laisser engloutir par le médium photographique, on pourrait presque dire : la pâte photographique.
Le travail d’Eric Facon, photographe du bar Floréal, est le résultat d'une immersion pendant une semaine au Lycée Sophie Germain dans le 4ème arrondissement de Paris, en 2006 : l'idée était de représenter "les années lycées" à travers les relations entre jeunes au sein d'un même groupe, la camaraderie spécifique à cette période. Je passais mes journées dans la cour de récréation à côtoyer les élèves. Sensibles et dynamiques, les photographies d’Eric Facon nous plongent dans la vie en groupe. Les êtres y sont comme des atomes, instables, toujours en mouvement, mais avec des sourires qu’on n’oublie pas.
Enfin, l’ensemble photographique de Cécile Chaput s’interroge sur l’adolescence comme moment de transition. Ce questionnement sur le passage de l’adolescence à l’âge adulte peut parfois se présenter sous un aspect burlesque ou parodique : c’est que, chez Cécile Chaput, on n’est jamais dans le moment présent mais dans une pure projection. Par métaphore, la transition devient aussi celle du passage d’une époque à une autre (celle de la libération sexuelle des femmes), ou encore, d’une photographie à une autre (de la photographie argentique à la photo numérique).
La transition, le mouvement, le passage : une autre définition de la photographie.