Projet réalisé en résidence "Hors champs" durant l'hiver 2008.
Film à partir de photographies de 15 mn.
Avec Christophe Ruby et Michel Boza
Photographies : Grégory Valton
Prises de sons : Sonia Bruneau
Ma première visite dans cette partie de la Creuse remonte au mois d’avril 2008. Le passage par Lavaveix-les-mines et ses alentours m’a immédiatement fait penser aux corons et ainsi transposé ce mythe dans cette région. Néanmoins le bassin d’Ahun n’a pas subi les transformations que connaissent les anciennes villes minières du bassin Lorrain depuis une dizaine d’année. Il garde ainsi une identité forte qui est tentée de disparaître à terme.Il est vrai que la ville de Lavaveix, par son côté authentique, est en tout point intéressante: bâtiments abandonnés à la végétation, urbanisme adapté à la vie dans les mines (datant de 1870 environ) et les mines de charbon qui continuent à vivre dans le paysage et donc dans la conscience de ses habitants. Je me demandais ce qu'il restait de l'image de la mine : morosité, conditions de travail, bas salaires, durée de travail...
Et cela faisait écho au travail que j'avais fait sur le ghetto de Terezin en République Tchèque, dans lequel est mort le poète Robert Desnos, reportage commencé en février 2006 et terminé en août 2007. Dire que le ghetto a changé est une évidence. Les bâtiments sont peu à peu rénovés, l´ancienne prison et le crématorium réaménagés, certains immeubles sont transformés en musées. C´est devenu un site de mémoire qui, en voulant faire se souvenir, s’éloigne toujours un peu plus de ce qu’il a été. Cependant ce fût un lieu de souffrance et, dans bien des cas, un lieu où des milliers d’hommes ont achevé leur vie, tout en poursuivant leur destin. On parle souvent face à la mort, du défilement de sa vie en une fraction de seconde. Et j’imagine que toute la vie de Desnos, et de ses compagnons d'infortune, a dû défiler sur les murs de cette cité. La ville de Lavaveix et le bassin minier, étrangement désert avec ses façades décrépies, ses espaces vides et opaques, le poids de son histoire me rappelait, en un sens, le ghetto de Terezin.
Interpellé par cette première visite, j'en ai parlé avec Sonia Bruneau, avec laquelle nous avons décidé de confronter la photographie avec des paroles et des ambiances. En effet, la photographie permet de capter des traces en train de disparaître et le son, d'approcher des traces déjà disparues et de recueillir des souvenirs d'un temps qui n'est plus. Lavaveix est une ville construite de toute pièce par l'activité minière, dont l'arrivée des mines a sans doute bouleversé la vie de la région et généré d'autres réseaux de sociabilité et d'autres identités. Mais aujourd'hui, la ville se retrouve sans mines : comment les gens vivent cette absence ? Regrettent-ils ce temps révolu ? Ou au contraire sont-ils contents que la page soit tournée ? Quelque part, cette recherche de la trace perdue tient peut-être d'une quête mythique. L'idée est de la confronter à des mémoires individuelles ou, au contraire, à des non- mémoires. Retrouver ou ne pas trouver les fils d'une société décousue, qui s'est construite autour de la mine quand le temps de la ville paraît figé comme s'il s'était arrêté à une époque.
Nous ne voulions pas plaquer nos visions "a priori", c'est pourquoi nous avons conçu ce projet en trois phases afin de laisser sa place à l'étonnement, l'impromptu, l'inattendu et de pouvoir resserrer la focale par étapes. Nous souhaitions que ce projet soit aussi une occasion pour les habitants de se réapproprier leur ville.