Les Greniers à Sel rue de la Ville 14600 Honfleur France
C’est en 2007, au festival de Lienzhou, que Wang Gang a été remarqué pour ses portraits en couleur de paysans du Sichuan photographiés dans leur intérieur. Il manifestait dans ses images conçues comme des tableaux une étonnante maîtrise du clair-obscure et un goût pour prononcé pour un certain minimalisme de la composition et de la couleur.
"Les portraits de Tibétains que Wang Gang a réalisés chez eux récemment relèvent de cette même esthétique : évocation de leur intérieur et de leur appartenance sociale par quelques éléments emblématiques de décor ou de vêtement, refus d’exploiter la couleur locale – alors que la culture tibétaine s’y prête si bien – ou de céder à un traitement émotionnel de la misère. Dans une pièce que l’on devine unique, qui rassemble les biens les plus précieux, ceux qui permettent de se nourrir, de travailler, de rêver, le personnage, hiératique, souvent solitaire, se trouve magnifié par une lumière latérale qui émane d’une fenêtre toujours hors champ tel un projecteur de théâtre. Ce monde clos, recueilli, semble concentré sur lui-même. Toujours semblable d’une image à l’autre, avec ses éléments récurrents (murs de ciment aux tons doucement dégradés, fourneaux de fonte ou de maçonnerie, meubles improvisés), ce monde intime évoque immanquablement l’atelier du photographe ou plutôt du peintre. Le dispositif comme le traitement pictural y incite : de rares touches de couleurs savamment réparties qui se répondent, des jeux de la lumière sur les visages marqués ou les objets polis par le temps. De psychologie individuelle, point : ceux qui nous dévisagent ou, méditatifs, se tournent vers la lumière sont des effigies de l’enfance, de la vieillesse, du monde paysan,… S’ils posent, c’est pour incarner leur propre personnage, sans intention, lors d’instants suspendus où se révèlent des vies en harmonie avec le monde qui les entoure, avec les objets longuement façonnés par l’usage, avec les proches au gestes mesurés et aux regards attentifs. Que cette vison harmonieuse du peuple tibétain émane d’un photographe chinois, par ailleurs business man à Canton, est peut-être en définitive le message profond que recèle ces images d’un monde apaisé."
J.-C. F.