Depuis l’âge de 13 ans, jour où il a reçu son premier appareil photo, Franck Landron collecte des traces de sa réalité. En toute modestie, il bâtit au quotidien avec patience, discipline et méticulosité une mémoire d’instants essentiels.
Avant d’être un artiste, il est un artisan qui glane, avec confiance, toute la matière nécessaire à l’édification d’une œuvre qui restera toujours en chantier. Sans angoisse, partout où il se trouve, avec discrétion, voire à l’insu du regard de l’autre, il se remplit, jour après jour, de l’infinité des couleurs de l’existence.
Que cherche-t-il ? Rien qu’il ne puisse exprimer à travers les mots, juste une présence au monde, une captation instinctive de ce qu’il ne faut pas perdre et qui appartient à tous. Un premier baiser, un regard perdu, un jupon dévoilé, un désir, une démission, un échange, une errance… A travers le viseur, il sait qu’il a saisi l’indicible et l’unique. Dégagé de toute urgence, il laisse reposer ce fourmillement de paysages, de visages, de situations, d’émotions. Dans les classeurs, tout est là, rangé, ordonné. Tranquille, il passe des heures à travailler à partir de ses négatifs. Il ne laisse à personne d’autre le soin de faire ses tirages. Le négatif n’est qu’une trace, seul le tirage compte, c’est son interprétation.
Aujourd’hui, après 40 ans d’attente, il exhume les dix premières années de ses archives. Cette maturation extrême est la clé de son travail. Elle est un défi à la précipitation ambiante, elle est un défi à la matière même photographique qui s’altère au risque de disparaître, elle est un défi, de façon plus large, à la mort. De cette joute avec le temps, de cette mise à distance avec le passé, Franck Landron fait son miel. Sans l’avoir décidé, ses images d’autrefois interrogent une problématique éternelle: la preuve de notre passage sur terre. Quel que soit le lieu, intérieur ouvrier ou paysan, immensité désertique, ville ou village, métro, hommes, femmes, enfants, ados creusent leur place dans l’espace, chacun à leur manière. Ils s’installent, s’exposent, se recroquevillent, se cachent, se bousculent, s’entraident, se supportent, s’abandonnent ou s’évadent.
Avec un savoureux sens du décalage et de l’incongru, tout pathétique s’efface de ce «Journal extime» pour révéler des moments singuliers et universels qui sont autant de petites fabriques toujours réinventées de la conscience de vivre.