Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
«Quelle force entraîne les foules de pèlerins à travers les plus hautes montagnes et l’étendue infinie des déserts? Qu’ont donc en commun ceux qui lèvent les mains au ciel et ceux qui se frappent le front contre le sol? Pourquoi certains sont-ils nus et d’autres couverts jusqu’aux yeux, d’autres rasés, polis comme des amandes, ou bien avec des cheveux longs mêlés à leur barbe sous d’immenses turbans? Qui habite les corps transpercés des flagellants, qui a les membres couverts de cendre, qui se cache sous la peau peinte ou tatouée de dessins enchevêtrés, qui se trouve derrière les masques, derrière le voile? L’extase, la transe, la contemplation et la méditation mènent-elles à une perception indicible de la mort ou bien à une réalité physique déchirante?
A travers l’expérience directe, sans intentions encyclopédiques, j’ai pendant huit ans suivi la voie d’un projet photographique, autour d’un cheminement personnel : “ le Don”.
Aux origines des croyances, dans les premiers Textes Sacrés, comme dans la tradition orale païenne des Ancêtres, apparaît toute une trame de correspondances : rituels, gestes répétés depuis la nuit des temps, échos d’un même frémissement face au mystère de l’existence.
Au-dessus de l’espace temps universel, se croise un labyrinthe de parcours à la recherche d’unisson entre l’identité extérieure de l’individu et son moi profond.»
Giorgia Fiorio
Extrait du catalogue de l’exposition édité par les Editions Actes Sud
Sur les chemins du mystère
André Malraux, dans l’une de ses formules restées célèbres, prédisait une nouvelle ère marquée par le retour du sentiment religieux, évoquant ainsi le besoin chez l’individu de croire de nouveau en des valeurs spirituelles, après s’être longtemps livré au culte de la richesse matérielle, au désir incessant de possession. Beaucoup de photographies de Giorgia Fiorio réunies dans cette exposition montrent des sujets manifestement emportés par une ivresse intérieure et s’y abandonnant totalement ; elles suggèrent des existences ascétiques, libérées de toute contingence terrestre. Une force d’ordre mystique ou divin s’est emparé de ces sujets et les a entraînés vers un au-delà, comme si leur pensée avait pour un instant -celui de la photographie - quitté leur corps.
Que cherche Giorgia Fiorio en s’engageant dans ce projet qu’elle intitule «Le Don»? Mot qui revêt plusieurs sens, à commencer par le principe de la transitivité : le don, c’est ce que l’être humain offre, mais c’est également une qualité qu’il reçoit en héritage.
(...)
«Le Don» n’est pas seulement l’histoire du sujet qui s’offre à l’acte photographique, c’est aussi celle de Giorgia Fiorio. Elle reçoit et restitue. Et dans ce mouvement, dans la nature et les qualités mêmes de son regard, dans sa manière de matérialiser les images, il y a addition de sens, supplément d’émotion, d’âme, que le spectateur de la photographie est invité à s’approprier. Celui-ci revit à travers les images l’expérience de l’auteur ou les interprète tout autrement.
Gabriel Bauret
Extrait du catalogue de l’exposition édité par les Editions Actes Sud