Le photographe Jean-Philippe Senn expose, au Cheval Blanc, une des séries phare de son travail, M.U.R.S., instantanés d'errance dans les villes de Berlin, Arles et Marseille.
À l'instar de l'écriture d'Antoine Volodine, Jean-Philippe Senn pratique la photographie à la manière d'un art martial, en s'engageant totalement dans chaque cliché. Son regard, il l'a travaillé au corps, aiguisé aux verticales et diagonales, affûté au jour le jour. M.U.R.S., acronyme qui désignait à l'origine « Messages Urbains de Révolte Sociale », a débuté en 2001 alors qu'il est encore étudiant. Cet Alsacien d'origine, adepte de la vie nocturne, a toujours été intéressé par les murs de la ville, ces « inscriptions qui nous sortent le nez du macadam ». Ces traces que Brassaï appelait dans Graffiti des « témoignages éphémères et sauvages », il les fige sur négatif. Calligraphie du tag, dérision artistique, slogans engagés. Il s'attache à porter son propre regard sur ces actes artistiques d'aujourd'hui, à donner de la visibilité à cette forme d'expression vivace en s'appropriant « la démarche de ces activistes à l'incroyable intensité ».
Au Cheval Blanc, il réunit 25 photos. La première moitié, travail argentique en noir et blanc, est un regard amusé et poétique, très latin, dans les villes d'Arles et de Marseille. L'autre, en couleur, est issue d'un voyage à Berlin. Même optique, mais en numérique. Le hasard de ses déambulations l'a conduit dans divers spots urbains, à la découverte de gigantesques peintures murales, de sculptures inattendues, suspendues au détour d'immeubles. Jean-Philippe shoote à la volée, capte l'instant du mouvement, la pulsion dans la fugacité du regard. Collages, slogans (« Diese stadt ist aufgekauft »*), il se retrouve avec le portrait de Rosa Luxembourg barré d'un « Ich bin eine Terroristin », immortalisé au pochoir sur le mur de Berlin, au cœur de la Potsdamer Platz. M.U.R.S. suit son cours…
* Cette ville a été complètement accaparée