Chambre à part 27 rue Sainte Madeleine 67000 Strasbourg France
Comme Franz Kafka à Prague, Jean-Claude Delalande travaille dans une compagnie d’assurances italienne à Saint-Denis.
Depuis douze ans, il consacre ses loisirs à son imagerie du couple moderne avec l’ardeur des auteurs qui se respectent et produisent sans trop se préoccuper de publication. Ainsi naissent les oeuvres fortes, promises à une reconnaissance qui arrive tôt ou tard, de droit.
On dit souvent d’un bon livre qu’il permet au lecteur de se représenter la scène, de se l’imaginer à la lettre. Le compliment se retourne vers les photographies de Delalande: à qui les voit de se faire son roman, un roman d’humour où se faufilent l’ennui, la rupture et parfois comme un projet de fuite, voire de meurtre, tant la duplicité de l’homme avec la caméra de l’artiste est forte. Le ressort dramatique tient précisément à ce regard rivé sur l’objectif, dont on se demande s’il est un témoin gênant ou le complice commandé à distance.
Car Delalande ne laisse rien au hasard. Ses scènes de ménage sont écrites et bien préméditées, à l’accessoire près (la bicyclette souvent convoquée au casting n’est pas toujours innocente), sans jamais verser dans l’anecdote ou le clin d’oeil. Son personnage de petit bourgeois inquiétant ou pathétique ressemble à tout le monde et se trouve à sa place en ces jardins d’heures creuses, dans ces intérieurs agréables photographiés à la chambre de grand format, éclairés dans la clarté du cinéma américain de la haute époque des années 1960.
Hervé Le Goff