PORTRAIT OU AUTOPORTRAIT
Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois en 1995, j’ai cru voir la femme que je voulais devenir dans toute sa splendeur. Dans son regard transparaissaient sa volonté physique, sa générosité et surtout une certaine paix avec sa propre existence. Depuis les premières photographies timides et pudiques jusqu’à aujhourd’hui où l’apparei est devenu quasi invisible, j’ai essayé de raconter la vie quotidienne de cette montagnarde entre son chalet d’alpage dans le Faucigny et sa ferme d’hiver sur les coteaux ensoleillés du Chablais.
Avec ses deux frères célibataires elle maintient un mode de vie hors du temps et physiquement éprouvant. Comment traduire par l’image l’élixir de vie qui rayonne autour de cette femme et son environment ?
Elle s’appelle Thérèse, comme moi.
Teresa Kaufman
Par les chemins buissonniers qu'elle parcourt de bas en haut et de haut en bas, Thérèse Tissot nous invite à prendre la clef des champs. Thérèse va sa vie pas à pas, obstinée et tranquille, entre ses deux frères et ses deux fermes, celle de l'alpage, terre de l'été, et l'autre, bien plus bas, où elle " reste " pendant la mauvaise saison. Au service (un sacerdoce ?) d'une terre exigeante, mais reine en son royaume, Thérèse est une femme libre, tout comme son troupeau à la saison de l'herbe. Héritière d'une tradition millénaire, elle habite " sa " montagne. Mieux, elle l'irradie par la beauté singulière d'un destin accepté. Cet album de photos raconte toute l'histoire de Thérèse Tissot. Regardez-le bien : c'est une belle et grande histoire, celle d'un cœur simple. Une vie vraie. Belle dans son dénuement. Belle de son dénuement. Teresa Kaufman, l'auteur de ce reportage, Thérèse et ses deux frères, a mis longtemps à apprivoiser Thérèse, sa sœur choisie. Elle a su se rendre légère, patienter dans l'ombre de sa vie, sage comme une image, pour révéler le secret de cette existence : ce livre est aussi l'histoire d'un passage et d'un partage, celle d'une amitié comme une claie ouverte pour défier le temps. Intemporelles, les photos de Teresa Kaufman sont dures et tendres, éternelles comme des peintures flamandes. Sous le voile de la pudeur et l'incandescence des intimités, elles nous font frémir de la nostalgie des temps anciens tout près de s'effacer. Eclatantes, fortes et pourtant tissées de silence, elles appellent du fond de leur vérité l'espoir de réinventer la " vraie vie ", portant haut les valeurs de l'authenticité, du partage et de la fidélité - toutes ces choses qu'on voudrait croire pour demain.