D’année en année, les pluies détruisent les maisons des Agudas et avec elles, emportent dans l’oubli un pan de l’histoire de l’Afrique avec le Brésil…
A Porto Novo, au Bénin, la photographe Catherine Laurent est allée à la recherche de leur âme brésilienne.
« En 2000-2001, j’ai commencé une série d’intérieurs déserts ou habités(intérieurs 1, intérieurs 2), l’image d’une Afrique à la fois offerte et impénétrable. Une Afrique intime et pudique, très secrète. La plupart des images ont été prises au Bénin, dans la ville de Porto-Novo où j’ai vécu deux années consécutives où j’ai découvert ces architectures afro-brésiliennes.
En novembre 2007, à la faveur d’un programme de réhabilitation piloté par l’Ecole du Patrimoine Africain (EPA) dont le siège est à Porto Novo, j’ai pu pénétrer dans certaines d’entre elles : j’y ai retrouvé leur mystère et
j’ai tenté d’y découvrir l’empreinte de leur mémoire brésilienne… Non pas à la recherche d’un passé nostalgique mais pour en raviver le souvenir et essayer de déchiffrer à travers les peintures, les traces, les objets délaissés, les signes de l’âme qui les anime et les rendent si émouvantes…
Je veux les montrer telles quelles sont aujourd’hui, chargées de leur histoire et nous interrogeant sur leur devenir…
« C’est un travail plastique qui me ramène vers la peinture, les matières, les couleurs et surtout un témoignage et un signal d’alarme : cinq ans après mon avant-dernier voyage, une très grosse maison dans le quartier de Kandévié a complètement disparu : écroulée, ravalée par les pluies, il n’en reste absolument rien ! »
Catherine Laurent
L’exposition présente une dizaine de tirages 40x60 et 30x45 sur Papier Bamboo, 290 g de Hahnemühle (tirés à 15 exemplaires numérotés), encadrés ou contrecollés sur alu Dibbon.
L’architecture afro-brésilienne
Ces grandes demeures, construites en terre par les « Agudas », esclaves affranchis revenus du Brésil avec des connaissances techniques ignorées des africains sont maintenant, pour la plupart, abandonnées.
Les Afro-brésiliens constituaient une élite. Leurs maisons contiennent parfois encore les meubles d’origine et sont les témoins d’un autre mode de l'organisation de l'espace ouest-africain en rupture avec l'architecture traditionnelle.
Depuis le déclin économique du comptoir de Porto-Novo, la plupart des héritiers (quelquefois fort nombreux) des « Agudas» ne vivent plus sur le même train de vie que leurs ancêtres et trouvent difficilement les moyens d’entretenir ces maisons.
Bien que classées au Patrimoine Culturel de la ville et que les quartiers anciens de Porto Novo soient inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco (depuis 96), ces architectures de terre se dégradent de saison de pluies en saison de pluies et menacent de disparaître rapidement dans l’indifférence quasi générale.
Les photos ont été prises principalement dans les quartiers de Tokpa Sandodo, Itagogo, Attaké, Hounkanrin.
La photographe
Catherine Laurent et l’Afrique
Catherine Laurent est une photographe voyageuse et… amoureuse de l’Afrique. Elle séjourne régulièrement au Bénin.
Si ses voyages ont souvent pour alibi le reportage, elle mène surtout une démarche d’auteur « et toujours, je « voyage » le plus possible : je cherche à me rendre disponible, ouverte à la rencontre, à la surprise, à l’étonnement, à l’éblouissement, parfois… Loin de tout exotisme de pacotille, je veux aussi témoigner de cette Afrique vivante d’aujourd’hui. »
Elle est devenue photographe sur le tard après avoir pratiqué les arts plastiques, manié la couleur et la matière : « la couleur a été mon premier éblouissement d’Afrique et la lumière, bien sûr, puis les gens, et enfin la vie tout simplement : la chaleur, la douceur, la tendresse, la volupté et cette histoire de temps qui n’en finit pas…. »
www.catherinelaurent.fr