Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Formé au métier de graphiste, installé en France dans les années soixante, sans s’être jamais éloigné de sa Pologne natale, Roman Cieslewicz exerce son talent dans de multiples domaines : affiche, illustration, création graphique et visuelle pour la presse, la publicité, l’édition et les catalogues d’expositions.
Cette exposition mettra l’accent sur l’un des traits essentiels de son art : ce qui le lie à l’image photographique. Il s’en nourrit abondamment, la sollicite sous toutes ses formes, la manipule avec autant d’audace que d’habileté, aimant entre autres en retravailler le grain ou la combiner avec la peinture.
Outre ses nombreux travaux de commande, il est le créateur inspiré d’images très personnelles, ludiques et dérangeantes, souvent engagées politiquement. L’exposition réunira sous des modes scénographiques différents des maquettes aussi bien que des visuels imprimés dans des magazines ou sur des couvertures de livres, ainsi qu’un nombre important de photomontages et de collages originaux. Elle montrera la période polonaise de l’affichiste - moins connue - et redonnera à quelques réalisations significatives leur place dans la rue, à l’entrée du bâtiment de la MEP.
Les pièces exposées appartiennent à de grandes collections publiques en France et en Pologne (Musée de Grenoble, Musée National d’Art Moderne et Fonds National d’Art Contemporain, Musée National de Poznan) et à plusieurs collections privées (Chantal Petit-Cieslewicz, Agnès b., Jean-Pierre Deseuzes, Carole Neggar...).
Commissaire de l’exposition : Gabriel Bauret
Cieslewicz les a toutes maîtrisées : affiche, direction artistique, publicité, lettrage, collage, photomontage, édition (livres et revues), enseignement (il propose à ses étudiants pour une affiche de l’ESAG, de reprendre une phrase de Stendhal, « Le vrai bonheur c’est d’avoir pour métier sa passion »).
Jamais il n’a hiérarchisé ces expressions selon les conventions stupides qui font allégeance du mineur au majeur. Toujours il les a considérées comme une offre inappréciable, l’occasion d’un plaisir et d’une création, accordant la même attention à un sac en papier pour MAFIA, un catalogue du Centre Pompidou, une publicité pour Vuitton, une affiche pour la ville de Montreuil, la couverture de L’ultra-guide de Paris la nuit, une maquette de Elle ou de Ty i Ja, le livre sur le Che, une couverture d’AMC, un photomontage pour Vogue... Sachant pour chaque médium la technique et l’expression les plus adéquates, il n’acceptait pas de réduire une affiche dont il avait conçu la construction en fonction de sa taille et de la distance de lecture. Car il y avait bien écriture et lecture. Dans la pratique de son art, l’image n’était pas un en soi et il récusait ce qu’il appelait l’image-image pour s’attacher au contraire à architecturer un rapport mot-image. « Une image, disait-il, est nue si elle n’est pas soutenue par un mot.» Cette architecture forte, à l’ossature concise (« Un affichiste qui parle trop ne dit rien »), reposait sur des tensions mesurées entre des figures et des traits : des expressions scripturales comme dans les affiches polonaises, ou d’autres fois, des typographies puissantes comme les lettres grasses des caractères Blok ou, au contraire , celles plus épurées du Milton (conçu par Milton Glaser), et allait jusqu’à une économie armée dans la série de photomontages «Pas de nouvelles, bonnes nouvelles» jouant de la contiguïté violente de photos en noir et blanc structurées par de rares soulignements rouges.(...) En tout cela se manifestait une appétence sans limites pour les flux d’informations qui font l’actualité et peut-être l’histoire. Roman Cieslewicz observait avec humeur et humour ce débordement de nouvelles et d’images. Archiviste insatiable et créateur magistral, il remplissait ses boîtes pour y déverser le monde puis le transcrire et l’analyser. Il y avait en lui un tempérament de journaliste, une inclinaison pour l’urgence et une attente de ce qui peut advenir. (...) Il n’était pas un observateur mais un acteur et s’il ne pouvait être apparenté, tant il était rebelle à toute obédience, il agissait sur le monde par sa création même, ouvrant des voies nouvelles et s’engageait pleinement dans des combats nécessaires : la lutte contre le sida, les droits de l’homme, Amnesty International, sans oublier l’assaut continu contre les troupes rampantes de l’ordre, de la morale et du bon goût.»
François Barré
Extrait de «Auf, l’image Roman» in Roman Cieslewicz,
Collection Poche Illustrateur, Delpire, 2007