Espace Contretype 1, avenue de la Jonction 1060 Bruxelles Belgique
À l’instar de l’image choisie pour l’affiche de cette exposition, montrant sur un terrain de jeu le surgissement d’un enfant masqué, dissimulé sous le déguisement de Spiderman, le «Voyage Out» auquel Chantal Maes convie le spectateur est une lecture, attentive et attentionnée, de ce qui advient. Une «traversée des apparences» 1 qui révèle que de manière ténue, interstitielle, quelque chose de l’autre peut se révéler à l’image, de ce qui demeure généralement latent ou inaccessible.
Pas à pas, et avec une véritable capacité de renouvellement, l’artiste élabore depuis une dizaine d’années une oeuvre qui rend sensible ce qui échappe bien souvent à la perception, voire à la conscience, de soi à soi, aussi bien que vis-à-vis d’autrui. La série «Inward Whispers» avait déjà saisi, sous la forme de portraits d’employés de bureaux d’enregistrement de compagnies aériennes, l’expression d’une intériorité, leur visage s’en faisant, un court moment, le support. Des pensées intérieures s’y faisaient jour qui suspendaient le cadre référencé de l’emploi de ces individus, pour accueillir l’expression de ce que l’artiste évoque comme un «monologue intérieur». On retrouve ici d’autres visages, dédoublés par une prise de vue légèrement différée, sur lesquels viennent se manifester ces bouleversements microscopiques, objets des tropismes de Nathalie Sarraute dans le champ littéraire. Mais le mot n’est pas l’image et ce modèle rhétorique ne se trouve pas littéralement transposé par Chantal Maes dans le registre du visuel. Car celui-ci présente ses caractéristiques - son langage - propres. Par exemple, celle de ramener dans le plan de l’image l’espace tridimensionnel, ce que viennent rappeler les photographies de haies, comme des écrans d’écrans. Ces frontières végétales deviennent des surfaces que le spectateur est invité à sonder, au sein d’images apparemment lisses, refusant l’illusionnisme perspectiviste. Or, loin de leur apparente uniformité, ce sont des différences, des anfractuosités qui se donnent à voir lorsque la vision se prolonge.
À ces grands tirages argentiques répondent les «petits paysages» numériques. Ils adoptent une écriture photographique rigoureuse. Ils tentent aussi de transcrire le cheminement de la pensée, le déploiement de ces actions intérieures qui s’accomplissent en nous de manière ténue.
Enfin, le langage lui-même accuse les limites d’une croyance dans l’évidente transparence des choses. La vidéo «Take a look from the inside», à travers la lecture bégayante d’un texte de Christian Dotremont, rend sensibles les déplacements entre les mises au point individuelles ou intérieures, et leur expression publique. Les formulations diverses de «Voyage Out» attestent ainsi d’un champ exploratoire qui adresse dans le même temps la question de la forme et celle du contenu, d’une «mise en mouvement» de l’intériorité vers l’en dehors. Danielle Leenaerts