Chambre avec vues 3 rue Jules Vallès 75011 Paris France
Alain Cornu
"La nuit venue, dans quel endroit auriez‐vous le plus peur : ville ou une forêt ?"
C'est avec cette question, lue dans un sondage, qu'Alain Cornu s'est rendu en forêt, comme on entreprend une retraite. C'est avec surprise qu'il avait lu qu'une grande majorité désignait la forêt, alors que c'est de toute évidence dans la ville que l'on court les plus grands dangers.
C'est à la chambre qu'il décide de réaliser ses photographies, malgré les contraintes de poids et d'encombrement. Il choisit un format rectangulaire, à la limite du panoramique qui "correspond à la vision de l'oeil, et se plonge dans la forêt pour "chercher l'organisation dans le chaos".Dans l'alignement des troncs d'arbres, l'affaissement des branches comme dans le désordre des branchages tombés au sol, Alain Cornu traque les signes de la forêt comme autant de réponses à des questions qu'il ne saurait formuler.
Son point de vue est celui du promeneur : pas de ciel dans ses photographies, tout juste parfois une clairière au loin. De même, il privilégie les jours où le temps est gris et les saisons où la forêt est dense et verte. "En regardant mes photographies, je veux que le spectateur sente qu’il n’y a pas d’échappatoire possible et qu’il ressente avec moi la sensation d’étouffement".
Ainsi, Sophie Bernard assimile le travail d’Alain Cornu à une chasse aux trésors à la découverte de signes du désordre naturel, alors qu'Hervé Le Goff, lui, dénonce un travail à la recherche des traces de la guerre entre la ville et la forêt:
"Alain Cornu s'engage ainsi à son tour dans cette frange primitive de notre vieille terre qui a nourri les dinosaures et engendré notre pétrole. Ses photographies prises à la chambre conjuguent dans le même art les sensations contraires de l'étouffement et d'un cheminement libératoire, le silence imposant de cathédrales sans fidèles et les infimes détails où grouille la vie.
Frances Dal Chele
Armelle Canitrot nous parle, elle, de la "photographie intuitive de Frances Dal Chele qui capte avec pudeur et délicatesse les ombres menaçantes qui planent aujourd’hui sur le nomadisme et l’identité touareg" dans son exposition "+OÏ" (ce mot touareg se prononce "Treg", et signifie "Vivre sans entrave") :
"Loin des clichés touristiques sur les hommes bleus, à distance aussi des préoccupations documentaires, les photographies sensorielles de Frances Dal Chele invitent plutôt à ressentir la « présence » touareg et la mystique du désert. Par cette étrangeté formelle qui associe dans un même plan, l’image nette d’un paysage et celle brouillée d’un portrait, la photographe transmet en effet non pas une vision, mais une véritable expérience personnelle des lieux et de ceux qui les habitent, telle qu’elle les a perçus en partageant le quotidien des familles du Hoggar et des Ajjers.
À cette netteté méticuleuse d’un paysage reçu dans son immuable minéralité s’oppose le flou éthéré des silhouettes et des visages, demandant un effort et un temps d’adaptation à celui qui les regarde. Un « flou de proximité » en quelque sorte qui évoque inévitablement l’intimité entre la photographe et ces hommes, ces femmes et ces enfants, mais qui paradoxalement les fait apparaître à la fois comme des masses sculpturales et comme des spectres éphémères. Une façon pour l’artiste de révéler que, malgré le temps passé avec eux, les Touaregs ne cessèrent jamais de l’impressionner, gardant pour toujours leur part de mystère impénétrable. Hiératiques et fragiles à la fois, ces portraits rappellent ainsi la puissante noblesse et l’ancestrale sagesse de ces seigneurs du désert, mais pointent aussi leur vulnérabilité face à la modernité".