Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Du 18 juin au 14 septembre, la Maison Européenne de la photographie accueille la première rétrospective du travail de Sophie Elbaz. Photoreporter de 1986 à 1995, elle se consacre aujourd’hui à son travail personnel notamment avec un projet sur Cuba, une Terre qui lui est chère.
En 1980, Sophie Elbaz réside un an entre le Guatemala et le Mexique où elle réalise ses premières photographies. Elle décide ensuite de partir aux USA où elle devient l’assistante d’Ernestine Ruben et de Patrick Demarchelier.
En 1984, elle est admise à l’International Center of Photography (I.C.P) de New York, dans le cadre du programme intensif de photo journalisme dirigé par F. Ritchin, photo-éditeur du New York Times. Elle travaille alors avec Susan Meseilas, Bruce Davidson et Robert Pledge.
Elle réalise également à cette époque une série sur l’univers des hôtels subventionnés par l’aide sociale (welfare), Holland Hotel.
En 1986, après avoir assisté Jimmy Fox, rédacteur en chef de l’agence Magnum à Paris, elle obtient son premier poste de correspondante à l’étranger.
Envoyée par l’agence Reuter, elle met en place la première couverture photo en Afrique de l’Ouest, basée à Abidjan. Elle rejoint ensuite l’agence Sygma en 1989. Seule femme du département news magazine, elle couvre de grands événements qui forgent sa vision. Durant le conflit des Balkans, elle réalise, sur trois ans, un essai de soixante images en noir et blanc : Contre toute attente. Ce travail, réalisé auprès des réfugiés bosniaques, lui vaut le prix Léonard de Vinci.
En 1993, elle reçoit le Prix du Meilleur Reportage Politique au festival d’Angers pour «Viol : Horreur», enquête et document sur les viols collectifs de l’épuration ethnique.
En 1995, elle découvre Cuba où elle se rend depuis régulièrement. Son regard sur le Garcia Lorca, l’Opéra de la Havane, rend hommage à la résistance de ce monde replié sur lui-même, décalé des réalités quotidiennes. Elle y montre des artistes cubains dont l’univers reclus est à la fois leur raison d’être et leur prison. Parallèlement, elle élabore Mémoire d’Elles, une série de 35 portraits de femmes françaises sur trois voire quatre générations. Ce projet fait l’objet d’un livre édité en 1998 et d’une exposition présentée jusqu’en 2003 dans le réseau culturel français à l’étranger (Amérique du Sud, Moyen-Orient, Afrique) avec le soutien de l’AFAA (Cultures France).
Depuis 2000, Sophie Elbaz a mis au point un procédé naturel de contamination de la diapositive qu’elle appelle «organique». En 2003, sa première série Origines réalisée au Mali est exposée lors de la biennale de Bamako. Sa 2ème série Où en es-tu? voit le jour en 2005. Plus récemment, en 2007, elle produit pour la biennale de Sharjah (Emirats Arabes) J’accuse lié au thème de l’environnement.
Elle retourne en Algérie, cette même année, sur les traces de ses origines paternelles séfarades qui la conduisent à Constantine où elle expose et rassemble un matériel visuel sur le thème de la mémoire. En 2007, également, elle achève sa trilogie Aleyo sur le Sacré, le Corps et le Politique à Cuba, série montrée pour la première fois à la Maison Européenne de la Photographie.
« Une existence n’est pas faite de ruptures. Elle se construit au contraire dans le temps et par l’acceptation du changement, des altérations, des mutations. C’est ainsi que se forge l’évolution d’une vie.
J’ai donc pensé cette exposition, non comme un corpus ponctuel représentatif d’un instant de réflexions et de recherches, mais autour d’étapes fondatrices de mon parcours, en mettant en résonance des séries significatives de ma démarche.
Si le monde fut le terrain de mes humanités, j’ai dû explorer mon intériorité pour comprendre que je n’avais fait qu’y projeter ma propre blessure : le couloir de la mort, l’inceste aux Etats-Unis, la Bosnie et les viols massifs, la Révolution Roumaine, la libération de Nelson Mandela, les camps de réfugiés Rwandais. Les exclus avaient été mes sujets durant toutes ces années à l’agence Sygma. Contre Toute Attente, corps de travail réalisé durant le conflit en ex-Yougoslave introduit le parcours de l’exposition.
En 1995, je quittais mon statut de reporter et foulais le sol cubain pour la première fois. Mes origines et les années passées au Mexique, en Afrique, en Inde et aux Etats-Unis, m’ont sans doute préparée à recevoir et non à juger. J’ai alors dépassé la rationalité des certitudes pour plonger dans l’univers inspiré d’Alejo Carpentier, de Wilfredo Lam ou de Mendive.
Si ma rencontre avec l’âme cubaine est un prétexte (comme l’Afrique devient sous la plume de Michel Leiris une métaphore de l’écriture de Soi, un champ d’énergies), elle m’a permis d’effectuer ce nécessaire voyage intérieur vers mon africanité et ma psyché. Elle m’a ainsi autorisée un nouveau langage de lumière dans un imaginaire qui m’est propre.
De 1995 à 1999, j’ai photographié le Lorca dans la tradition puriste du noir et blanc, une leçon de résistance et d’humilité à l’Opéra de la Havane. Aujourd’hui, mon dernier travail, Aleyo, compose un cri de vie aux couleurs d’une terre qui m’est essentielle et témoigne d’un héritage qui a résisté, jusqu’à peu, aux colonisations et à 50 ans de pensée marxisteléniniste.
Pour conclure cette quête de l’origine, je livre mon premier film (12 minutes) réalisé fin 2007 à Constantine, en Algérie, sur les traces de mon grand-père, Jonathan Elbaz.»
Sophie Elbaz