Aux confins de la peinture, de la photographie, de la sculpture et de l’architecture, Georges Rousse construit des volumes virtuels, géométriques et monumentaux dans des sites souvent désaffectés. Seule l’épreuve photographique garde la trace de ces interventions éphémères, expression de la méditation de l’artiste sur les lieux. Le musée Réattu accueille Georges Rousse. Déjà invité à Arles il y a vingt ans, il avait alors produit des oeuvres in situ dans l’hôpital Van Gogh avant sa transformation. En 2006, l’artiste a réalisé cinq installations dans des espaces symboliques ou secrets du musée.
Georges Rousse est une sorte de poète- géomètre ; ouvrier, aussi : il découpe, ponce, peint, colle, mesure et fait encore beaucoup d’autres choses comme accrocher de grands tableaux photographiques aux cimaises des galeries et des musées. Georges Rousse est donc également photographe... Prendre une photographie ne requiert pas beaucoup de temps :1/60e de seconde ou juste un peu plus si l’on décide de le faire à l’aide d’une chambre photographique, mais à peine. La prise de vue photographique est donc pour lui une composante du travail dont il finit par nous soumettre le résultat sous la forme d’immenses tirages, systématiquement étonnants. Le temps qu’il passe à préparer le lieu qu’il va photographier est autrement plus important que le temps de la prise de vue elle-même. La démarche habituelle de l’artiste est d’arriver dans un lieu, de décider d’un point de vue monoculaire (ce sera "l’oeil", l’objectif, le viseur de la machine à photographier qui se manifestera sur le dépoli quadrillé de la chambre) et ce point de vue deviendra le point de référence unique et définitif de tout ce qui se déroulera ultérieurement. La seconde étape va consister à modifier l’espace en le peignant, en dessinant des formes géométriques sur les murs, en installant des constructions de bois qui seront peintes, également, pour mieux se fondre au décor en train de se faire, et tout ceci créant l’illusion d’une surface peinte ou dessinée directement sur le tirage mais qui prendra toute sa dimension lorsque l’on comprendra qu’il s’agit d’un travail effectué dans l’espace et non sur l’épreuve photographique.
En général, nous ne connaissons du travail de Georges Rousse que le tirage de la photographie qu’il finit par prendre lorsque toute l’installation est finie et que l’illusion est parfaite.
Le musée Réattu d’Arles a eu l’excellente idée de commander plusieurs pièces à cet artiste, qu’il a créées dans certains espaces de ce musée et que l’on peut visiter. Le promeneur-visiteur a l’occasion d’éprouver le lieu au cours d’une déambulation active et curieuse. Le jeu consiste évidemment à retrouver le point de vue unique qui a présidé à la construction illusionniste de l’immense rectangle blanc donnant l’impression de se dresser verticalement devant nous, dans le plan du tirage photographique, mais qui, en réalité, s’étale à la fois sur le sol (horizontalement), sur le mur (verticalement) et sur le plafond (en courbe) de ce lieu.
Le catalogue de cette exposition présente les oeuvres commandées à Georges Rousse pour la circonstance mais également les aquarelles préparatoires ainsi que des prises de vue des lieux selon différents points de vue, ceci donnant la mesure de la complexité de ce travail. La dernière partie de cet ouvrage est consacrée aux travaux présentés à Arles par l’artiste il y a exactement vingt ans.
"J’ai beaucoup lu de poésie. Les mots de la poésie sont commes des embrasures, des regards sur le monde" déclare l’artiste page 58. Les embrasures pratiquées par Georges Rousse modifient notre regard sur le monde, et ceci pour notre plus grand bonheur.