MJC Rosendael Chateau Coquelle rue de Belfort 59240 Dunkerque France
La MJC de Rosendaël proposera, à partir du 25 avril au 31 mai 2008, une double exposition de deux artistes, le photographe Bernard Plossu et le plasticien, Patrick Sainton. Deux artistes qui se sont rencontrés en 1991 et qui, depuis, ne cessent de dialoguer, d'échanger, de travailler, et parfois, d'exposer ou de publier ensemble.
On verra, d'une part, des portraits et, d'autre part, des natures mortes, réalisés par ces deux artistes, de conserve ou séparément. Photographies et dessins qui, en se répondant et se confrontant, poursuivent ce dialogue amical, d'une thématique ou d'un genre à l'autre ; initié dans les années quatre-vingt-dix et poursuivi depuis.
Les "portraits" sont des portraits d'écrivains que l'un et l'autre font depuis des années, et qui seront réunis pour la première fois. Les "natures mortes" ont fait l'objet d'une exposition du 31 mars au 23 juin 2004 au Musée Réattu, en Arles, sous le titre D'où vient la lumière.
À l'initiative d'Autres et Pareils et de la Maison des Jeunes et de la Culture de Rosendaël, un numéro de revue sera publié à l'occasion de cet événement. Il comprendra des reproductions de portraits d'écrivains réalisés par Bernard Plossu et Patrick Sainton, un texte d'Olivier Domerg et des notices bibliographiques.
Cette exposition étant placée sous le signe de la littérature, et, par ailleurs, Bernard Plossu et Patrick Sainton ayant toujours côtoyé des écrivains (et non des moindres) ; des auteurs, proches du travail de l’un ou de l’autre, ont été conviés à une lecture qui se tiendra durant le vernissage.
• Vernissage de l’exposition, vendredi 25 avril 2008 à 18 h 30, en présence des artiste Bernard Plossu et Patrick Sainton.
• Lectures : Olivier, Domerg, Jean-Marie Gleize, Pierre Parlant à 19 h 30.
• Publication de : Plossu / Sainton, Portraits d’écrivains, un numéro spécial d’Autres & Pareils, La Revue consacré à cette exposition (coédition Autres et Pareils / MJC Rosendaël, avril 2008).
• Projection d’une vidéo de Véronique Morand et Bruno Nova : Patrick Sainton au travail, durée : 12’00 pendant l’exposition.
1. portraits d'écrivains
Bernard Plossu
Au hasard des rencontres
Pour Bernard Plossu, ses portraits sont tous issus de sa ou ses « rencontres avec chaque écrivain. Il n'y a donc pas de rendez-vous délibéré, mais des hasards souvent bienheureux » (comme, par exemple, Michel Butor à Albuquerque, Robert Creeley au Nouveau Mexique, Georges Perec au cours d’un voyage en train).
Il existe cinquante portraits d'écrivains dont ceux de Jean-Christophe Bailly, Arno Bertina, Michel Butor, Renaud Camus, Alain Coulange, Robert Creeley, Jean Daive, Anne-Marie Garat, Liliane Giraudon, Allen Ginsberg, Jean-Marie Gleize, Emmanuel Hocquard, Gil Jouanard, Isidore Isou, Jean-Claude Izzo, Pierre Klossowski, Colette Lambrichs, Emmanuel Loi, Bernard Noël, Georges Perec, Véronique Pittolo, Denis Roche, Max Rouquette, Alain Veinstein, Joël Vernet, Jean-Jacques Viton...
Tout est histoire de rencontres, directes ou indirectes, générant le désir ou pas de faire un portrait. Ainsi, Lise Houshour, qui tenait une galerie à Albuquerque dans les années "80", lui fera rencontrer Robert Creeley et Michel Butor. Mais la chose peut s'inverser, et l’écrivain devenir celui qui dresse un portrait de l’artiste. C’est le cas de Jean-Christophe Bailly, qui, dans Phèdre en Inde, parle de sa rencontre avec Bernard Plossu. Ou de Denis Roche, qui dans son Dépôt de savoir & de technique n°12 en fait, de façon détournée, le portrait.
Patrick Sainton
Comment et pourquoi des portraits d’écrivains Depuis 1999, Patrick Sainton poursuit une série de portraits d’écrivains. Au fil des ans, s’est constituée une galerie de "grandes figures" de la littérature comme Adamov, Apollinaire, Aragon, Artaud, Bataille, Beckett, Brecht, Breton, Celan, Céline, Cendrars, Cravan, Duras, Fitzgerald, Genet, Gombrowicz, Guez Ricord, Hemingway, Joyce, Mallarmé, Mandelstam... Ou encore, Michaux, Musil, Pasolini, Pavese, Pessoa, Pound, Rilke, pour ne citer que ceux là. Quelle que soit la destination des oeuvres, leur adresse évidente ou implicite, leur économie générale est identique. « Syntaxe plastique efficace », dirait François Bazzoli, sous des dehors faussement simples, résolument atypiques. Dans ces pièces murales ou au sol, on retrouve le carton, peau et support, rabouté de scotch grossier ; maculé de traits, taches, empreintes, salissures ; collages, papiers, inscriptions, dessins. Tout Sainton est dans cette déclinaison élémentaire : Brut, “élégant”, modeste. Patrick Sainton propose « des portraits de cultures. » qui sont aussi des « actes de mémoire — de la personne et de l'oeuvre ». Au passage, il s'agit de « rappeler à chacun que cela existe : les écrivains, la poésie, la peinture...
qu'on peut s'en nourrir. Les lire et les relire. Et accepter son manque de substance » quant à eux. Chez lui, ça se traduit par la pauvreté du support et le moins possible de création. « Le portrait est bien une tentative de peinture avec d'autres matériaux. » D'où, ce "carton", qui est aussi celui que l'on trouve dans la rue ou au fond des palettes de livres. Le "carton" et autres éléments constitutifs de ce travail : photographies1, phrases, scotch brun ou transparent, marqueur, traces et empreintes. Car, pour ce plasticien né en 1956 et marseillais d'adoption, il est question, comme il le déclare ironiquement, de « faire de la peinture comme un singe » ; mais, surtout, de « penser le portrait comme une traduction et non comme une représentation. » Le "comment", référence au livre de Francis Ponge Comment une figue de paroles et pourquoi, est explicite, quant aux matériaux employés, à la méthode et la façon de travailler de l'artiste. Le "pourquoi" est sans doute à trouver dans l'énumération quasi magique de ces noms : Dante, Artaud, Gombrowicz... qui sont et fondent la littérature ; aux livres dont on se nourrit et auxquels on revient sans cesse. Pour Patrick Sainton, l'enjeu est de « faire un portrait des écrivains qui l'accompagnent ». Et, plus précisément, de « restituer le plaisir qu'il a eu à lire ces textes et à entrer en résonance avec eux ». Avec, toujours en tête, l'idée de « donner envie de revenir au texte et d'aller voir par soi-même ». Une invitation à laquelle il est facile de répondre.
Olivier Domerg
2. d'où vient la lumière
« D'où vient la lumière est d'abord le fruit de la rencontre et du dialogue formel (le formel n'étant en l'occurrence nullement une formalité) entre un photographe (Bernard Plossu) et un artiste "plasticien" (Patrick Sainton). Ce dialogue, on peut dire qu'il s'est construit dans le temps (longue fréquentation par l'un de l'atelier de l'autre, et par l'autre de l'un) et sur un projet précis (issu précisément de ce que l'un prenait et apprenait du regard et des gestes de l'autre), le projet de confronter, page contre page, dans l'espace d'un livre, deux façons de se rendre aux choses, d'en témoigner. Sous le coup d'un réel intraitable, simplement, rageusement, amoureusement : une séquence, une série ou suite d'Actes (comme disait Ponge) ou de Témoignages (comme disait Reznikoff). Pour ma part, il se trouve que depuis longtemps je croise et recroise les liens "poétiques" de la photographies et de l'écriture, du noir et du blanc des deux, et de la lumière que ça donne (ou que ça fait, ou que ça rend). Plossu, je connaissais son espace avant de le rencontrer, je m'y sentais bien, c'est-à-dire en route, en voyage, les yeux inquiets. Sainton avec lui, depuis longtemps, j'écris des livres, avec lui et pour lui, dans le même fouillis de cartons et de fils de fer, avec tout ce qui traîne et tout ce qui reste. Lorsqu'ils m'ont convié à les rejoindre pour cette aventure à trois, il m'a semblé que je n'avais pas à les rejoindre, j'y étais déjà, depuis longtemps, là entre chien et loup, dans l'odeur des choses et de l'encre. J'y respirais l'évidence.
Quelques pages plus tard je ne savais toujours pas d'où vient la lumière. » Jean-Marie Gleize
in D'où vient la lumière, image en manoeuvre éditions, avril 2004.