Les Greniers à Sel rue de la Ville 14600 Honfleur France
Avec « les grins », Gilles Coulon nous livre par des moyens visuels originaux l’une des clés de la vie sociale de Bamako. Ces groupes amicaux se réunissent régulièrement, parfois depuis des décennies, pour échanger informations et opinions. Ils perpétuent en milieu urbain la tradition de la palabre, lieu d’échange et de décision de la société villageoise africaine. Gilles Coulon nous restitue par une vision éclatée sous forme de tableaux polyptiques la dynamique de la parole qui circule au sein de ces microsociétés
Depuis plusieurs années, Gilles Coulon s’immerge régulièrement en Afrique, particulièrement au Mali où, au gré des événements et des rencontres, il élabore des « histoires photographiques » dont la forme est chaque fois tributaire du sujet : reportage journalistique lorsqu’il suit une campagne électorale, documentaire ethnologique ou social lorsqu’il s’attache à restituer la vie des Peuls ou celle des jeunes de Bamako. Avec « les grins », il nous livre par des moyens visuels originaux l’une des clés de la vie sociale de la capitale malienne. Ces groupes amicaux d’une ou deux dizaines de membres se réunissent régulièrement, à heure fixe, à un coin de rue, sur une place, devant une boutique ou dans une cour afin d’échanger informations et opinions sur des domaines spécifiques : le football, les courses hippiques ou la politique pour les hommes, le travail, les conseils de beauté ou la condition féminine pour les femmes. Les membres de ces cercles se regroupent par sexes, milieux socioprofessionnels, classes d’âge. Ces réunions institutionnalisées par l’habitude – certaines existent depuis des décennies – perpétuent en milieu urbain la tradition de la palabre, lieu d’échange et de décision de la société villageoise africaine, rouage politique, instrument social modérateur des conflits où la parole de chacun est sollicitée. Ainsi se créent dans le relatif anonymat de la grande ville des microsociétés localisées dans des espaces improvisés, que Gilles Coulon nous restitue par une vision éclatée sous forme de tableaux polyptiques. Les gestes, les regards, les attitudes se répondent dans un espace dont les fragments interagissent, traduisant la dynamique de la parole, cette parole qui, en Afrique peut-être plus qu’ailleurs, est la mémoire du monde et le recrée perpétuellement.
J.-C. F.