«Les Hereros ne sont dorénavant plus sujets allemands… Tout Herero aperçu à l’intérieur des frontières allemandes avec ou sans arme, sera exécuté. Femmes et enfants seront reconduits hors d’ici – ou seront fusillés… Aucun prisonnier mâle ne sera pris. Ils seront fusillés ».
Lettre au peuple Herero, Lieutenant général Lothar Von Trotha, 2 octobre 1904.
Festival Herero,
Okahandja, Namibie, Août 2007
Le fantasme d’une armée se réveille avec ses fantômes, sa parade funèbre, carnavalesque, son carré sacré au cimetière d'Okahandja, le mémorial herero … Une communauté entière se souvient.
La procession prend forme avec son cortège de femmes arrondies par leurs sept jupons sous de grandes robes rouges et noires. Les enfants en ligne marchent dans les pas comptés d'une sorte d'officier en tunique. Ils portent les bérets que leurs mères ont agrémentés d'un coupon de tissu rouge, des chaussures noires cirées, souillées par le sable africain. Dociles, ils vont de ce pas étrange qui donne l'impression d'en faire deux en avant puis un en arrière. La cavalerie retient ses montures et escorte les anciens sous les chants plaintifs des femmes rouges. Les pères se sont aussi accoutrés: Des ersatz de généraux allemands côtoient des grenadiers à la touche "british " ou des "royal highlanders". Celui-là porte un kilt au tartan blanc, sang et noir, de longues chaussettes de football, un calot, un gant noir et un bâton vernis.
Collage des médailles empruntées qui osent le mélange avec des pin’s variés, des publicités rouges ou noires – Coca-cola – et le noeud du sida pandémique.
Lui porte la ceinture, sûrement le vintage d'un soldat de l´empire colonial allemand. Il arbore aussi un gant noir, type black panther, black power…
Anachronisme, influences chaotiques : La garde écossaise d'Amin Dada, les officiers afrikaners de l'apartheid déchu, Guillaume II, Winston Churchill, Malcom X, Queen Latifah.Le bâton aussi, l'inévitable bâton sans lequel il ne serait pas homme : avec l'aplomb de son rôle, il trouve l'amplitude du personnage et se fait maréchal !Lance, casque, cornes, poignard, pistolet, ceinturon, plumet, cravate, guêtres, tunique, médaille, grades, étendard, fierté, dignité, etc.
A Okahandja, on ne se déguise pas, on s'accoutre. C'est une armée imaginaire mais une armée quand même, qui porte pêle-mêle les attributs de l'Europe coloniale et ceux du black power.Dans les tourbillons des vents venus d'Atlantique, grincent les spectres des quatre-vingt mille morts du massacre herero : la bataille de Waterberg, la Vernichstungsbefehl d’Adrian Dietrich Lothar Von Trotta, les puits empoisonnés au passage d’Omahaheke-Steppe, les prisonniers parqués tel du bétail dans les premiers camps de la mort de
1904. ON NE LEUR REFERA PAS !
Photo :
Hereros, 2007 © Charles Fréger
Partenaires :
Galerie des Filles du Calvaire, Paris