Cyrille Weiner
Centre de photographie de Lectoure 5, rue Sainte-Claire 32700 Lectoure France
Lieu : pigeonnier de l’Isle-Bouzon.
Je questionne l'appropriation des espaces, l'usage des lieux, en confrontant la planification des urbanistes et des politiques avec les expériences individuelles, intimes qui sont associées à ces lieux. C'est une manière d'interroger le partage du cadre de vie. La liberté aussi, puisque je privilégie les espaces qui échappent encore à la norme et au plan.
Les précédentes séries abordaient ces thèmes sur unmode documentaire. La narration et la fiction s’y mêlaient par la présentation en séquence, lamise en relation des images entre elles au sein d’un même ensemble. Cet aspect fait écho à la démarche de la prise de vue : un processus dynamique semet en place, tel un scénario cinématographique, où une image réalisée en appelle une autre, que je m’efforce de trouver dans le territoire que j’ai délimité au préalable. Une séquence se construit.
Pour Le ban, j’ai souhaité explorer la narration en proposant une fable poétique, une suite d’images allégoriques, des métaphores où l’ambivalence de l’avant et de l’après, la porosité du dedans et du dehors troublent nos repères et nos certitudes.
A l’origine de la production et de l’édition des images, il y a une trame fictionnelle: dans un monde d’avant / d’après une catastrophe, un monde en construction / déconstruction, un groupe d’hommes –nomades contemporains - s’agrège, traverse des espaces hors de la norme et hors du temps, franchit les clôtures. En quête d’une appropriation et d’un rassemblement possible là où on ne l’attend pas –sous une tente, sur une autoroute désaffectée, une parcelle de lande qui s’étire…
La catastrophe qui plane est un état de société : solitude de groupe, consommation et rentabilisation de l’espace. L’utopie est sous-jacente. L’errance est active.
Les images, prélevées dans des séries antérieures, se présentent hors contexte . La trame reste libre. C’est au lecteur de relier les images entre elles et d’imaginer son histoire, d’être nomade dans sa lecture et son interprétation. A ce rapport aux images répond un rapport nomade à l’espace. Initier une disponibilité à tous les coins de lieux et de non-lieux, tous les interstices délaissés. Vaincre la peur du ban, dé-fricher.
Mon implication n’est pas uniquement celle d’un observateur. A travers le ban, je souhaite exprimer le rapport intime que j’entretiens avec les lieux traversés : recherche du sentiment de liberté là où la norme n’est pas encore, ou s’avère détournée; là où l’espace s’étire et les clôtures tombent; s’aider de tous les signes autour pour se projeter dans l’ailleurs et la fiction; apprécier l’esthétique des friches.
C’est sur le terrain vague que le pique-nique est possible.