BUENOS AIRES (AFP) — Le photographe français Yann Arthus-Bertrand a pu quitter mardi l'Argentine où il avait été arrêté mercredi dernier à la suite d'une plainte pour escroquerie qui visait surtout, selon lui, à l'empêcher de terminer le tournage d'un documentaire sur un barrage controversé.
Le photographe français, célèbre dans le monde pour ses images de la terre vue du ciel, est arrivé mardi en fin de matinée à Foz do Iguaçu au Brésil, distante de quelques km de la ville argentine de Puerto Iguazu (nord-est) où il avait été consigné à son hôtel pendant près d'une semaine.
"On est tous un peu amer après cette histoire, en plus on a été obligé de laisser un membre de l'équipe derrière nous", a déclaré le photographe à l'AFP, précisant qu'il comptait désormais regagner la France.
Un juge argentin de Puerto Iguazu a accepté de libérer Yann Arthus-Bertrand et son équipe à l'exception d'un responsable de la société de production, Bernard Chaudot, toujours sous le coup d'une interdiction de quitter la ville dans l'attente d'une décision sur le fond par ce magistrat. Ce dernier doit décider avant vendredi s'il maintient les poursuites ou s'il prononce un non-lieu, a indiqué de son côté Me Patrick Patelin, avocat de M. Arthus-Bertrand.
L'agence de voyages, qui a organisé son séjour en Argentine, a porté plainte pour défaut de paiement, entraînant l'arrestation mercredi dernier du photographe français et de son équipe à Posadas (nord-est) alors qu'ils s'apprêtaient à s'envoler pour la Patagonie (sud). Ils ont ensuite été transférés à Puerto Iguazu avec interdiction de quitter la ville après avoir payé une caution de 11.000 pesos (3.390 euros) pour éviter la prison.
Yann Arthus-Bertrand, 61 ans, s'est toujours défendu de toute malversation et estime avoir été victime d'un "coup monté" à la suite du reportage qu'il avait commencé à tourner sur le barrage de Yacireta dans la province de Missiones (nord-est). "On essaie toujours d'avoir une éthique de travail, de respecter tout le monde", a-t-il affirmé, très déçu de ne pas avoir été en mesure de terminer son travail. "On a des images très fortes, qui visiblement dérangeaient du monde", a-t-il ajouté, citant notamment celles montrant des villageois expulsés à la suite des travaux de ce barrage, avec au second plan les effigies de plusieurs responsables politiques argentins barrées du mot "ladrones" (voleurs).
Le photographe, également réalisateur de l'émission Vu du ciel sur la chaîne de télévision française France 2, se voit désormais contraint de terminer dans un autre pays le tournage de ce documentaire consacré aux grands fleuves et à leurs enjeux environnementaux. Le travail déjà effectué en Argentine y figurera néanmoins et il compte également raconter sa mésaventure sous forme d'un plateau réalisé mardi dans l'enceinte de l'aéroport de Foz do Iguaçu.
L'énorme barrage de Yacireta, "monument de la corruption", selon l'ex-président argentin Carlos Menem, a été inauguré en 1998 à la frontière entre l'Argentine et le Paraguay. Sa construction, qui a provoqué l'expulsion de milliers de personnes, avait été vivement critiquée et avait provoqué de nombreuses manifestations. Le barrage a une capacité installée de 3100 MW mais ne fonctionne qu'à environ 60% de ce potentiel. Les autorités ont donc décidé de porter avant la fin de l'année à 83 mètres le niveau de l'eau, contre 76 mètres actuellement, afin d'augmenter cette capacité de production. Cette hausse de la cote provoquerait de nouvelles inondations et de nouvelles expulsions, dénoncent néanmoins les organisations écologistes argentines.