Galerie Camera Obscura 268 Boulevard Raspail 75014 Paris France
Exceptionnelle car elle permettra de voir et d'acquérir des "tableaux photographiques" uniques réalisés dans les années 60 ainsi que des oeuvres toutes récentes.
C'est ainsi un parcours dans une oeuvre et une vie consacrée à la reconnaissance de la photographie comme art à part entière que nous proposons. Cette reconnaissance est aujourd'hui un fait acquis, mais il n'en a pas toujours été ainsi et Denis Brihat fut, en France, un pionnier de cette histoire. Il est juste de le rappeler.
Mais il est surtout nécessaire de regarder, de découvrir peut-être, une oeuvre magnifique, qui fut extrêmement novatrice avant de devenir un classique.
Il y a exactement 43 ans, en mars 1965, Denis Brihat présentait au Musée des Arts Décoratifs, une exposition comprenant une centaine de ce qu'il nommait "tableaux photographiques". La référence à la peinture est bien évidente, mais s'applique au fait que ces photographies sont conçues spécifiquement pour le mur, et non pour l'illustration. Brihat n'entend pas imiter la peinture, mais revendiquer pour son travail le statut d'oeuvre d'art ; d'objet et pas seulement d'image.
La matérialité qu'il prête aux images, la forme qu'il décide de donner à ses photographies est donc au centre de ses préoccupations. Brihat est déjà un maître du tirage. Il sait parfaitement travailler la matière photographique et il décide, pour chaque négatif, d'une forme idéale et qu'il voudra unique. Le tirage est marouflé sur bois, sans marges, et reçoit une fine baguette comme encadrement. Les formats varient de 15 x 50 cm à 100 x 210 cm.
Nous avons la chance de pouvoir présenter au public, pour la première fois depuis lors, une douzaine de ces tirages exposés au Musée des Arts Décoratifs en 1964.
Dans les années 70, Brihat fixe peu à peu la forme qu'il conserve jusqu'à aujourd'hui. Il abandonne le tirage unique, le trouvant trop radical, même s'il a été utile et pertinent de le mettre en avant à certaine période. Et il explore avec passion la couleur. Le tirage couleur "industriel" ne lui convient pas : il n'aime pas sa matière. Il va donc chercher à créer lui-même sa palette colorée grâce aux virages aux métaux sur tirage argentique noir et blanc. Cette technique complexe, qui deviendra son domaine, sa spécialité, lui permet d'exprimer son talent de coloriste.
Avantage décisif pour quelqu'un qui a depuis longtemps décidé de ne vivre que de la vente de ses oeuvres, les tirages virés à l'or, au sélénium, à l'urane, etc, sont extrêmement stables dans le temps.
Nous présentons également quelques tirages d'époque (autour de 1970) qui comptent parmi les premiers tirages colorés par virage réalisés par Brihat.
La deuxième partie de notre exposition permettra de voir certaines des réalisations les plus récentes de Denis Brihat, notamment une variation sur l'oignon qui explore un univers de formes insoupçonné dans un si modeste sujet.
Quelques réflexions de Denis Brihat à propos de ses photographies des années 60 1958 est l’année de mon installation en Provence, pour des raisons personnelles, mais surtout pour des raisons photographiques : je voulais faire « la photographie » que je souhaitais faire depuis le choc reçu à la première grande exposition d’Edward Weston à Paris en 1950. C’est-à-dire , une photographie non pas destinée à priori à la reproduction (comme la photographie d’illustration , de reportage) mais une photographie (l’épreuve) valant pour elle-même, plus personnelle peut-être dans l’approche ; on dirait maintenant (même si je n’aime pas trop) "photographie d’auteur".
Jusqu’en 1958 cependant , je fais de la photographie d’illustration, de reportage, d’architecture, etc….
J’avais la certitude alors qu’une photographie pouvait jouer un rôle identique à celui de tout autre technique picturale (peinture, gravure… ) : je pense, et je pense toujours ( !) qu’il y a une approche spécifique à ce médium – loin, comme je la conçois, de l’approche des pictorialistes, par exemple.
Mon sujet de prédilection est la nature : je m’y plonge et j’y trouve matière à réflexion, contemplation, plaisir que j’essaie de traduire, ou transcender (par mon métier) pour la donner au regard d’un spectateur futur. Révéler les choses et aller au delà. De l’autre côté du miroir.
Déjà , à cette époque je vis mon métier comme une discipline : chaque moment , chaque geste sont importants, et déterminent, ou ont une influence, sur l'étape précédente ou suivante.
C’est alors que j’eus l’idée, afin de répondre à certaines exigences de présentation, des « tableaux photographiques » (Jean-Marc Bustamante, un de mes anciens stagiaires n’a pas inventé ce concept dans les années 70 comme il a été écrit !!!) Je fais alors des oeuvres de différents formats, du 30x40 cm jusqu’à 2m.x1m. Je travaille en noir et blanc car la couleur – Kodak (la seule à peu près à l’époque) ne me satisfait pas pour mon propos.
Les sujets : la nature. J’y vis au coeur, et dans une grande solitude. Elle m’apporte, avec la musique un fondement à ma vie, une structure. C’est peut-être cela que j’essaie de traduire (de transcender) inconsciemment – J’écoute énormément de musique et particulièrement du Bach (mon disque est "L’offrande musicale").
Je fais déjà de grandes études sur tel ou tel sujet (Le Citron par exemple), mais lorsque je regarde avec le recul des années, je constate , que même si j’ai traité de nombreux sujets, il y a un lien évident ,récurent : c’est une étude systématique des formes , des structures de l’architecture de la nature.