Maison de la Photographie Robert Doisneau 1 rue de la Division du Général Leclerc 94250 Gentilly France
La maison Robert Doisneau à Gentilly, tout proche, tout près de Paris, présente jusqu’au 16 mars prochain l'exposition "Courant-contre-courants" du photographe canadien Serge Clément .
Accrochage soigné, présentation originale, tirages de grand format, livres géants, la restitution comme la prise photographique accède ici au domaine de l'art. Serge Clément pratique une photographie libre faite d'emprunts, de Kertesz à Ralph Gibson et quelques maîtres de la photographie humaniste, rendant un pur hommage à cette matière belle et si particulière, la surface sensible, le grain, le contraste, toute contenue dans l'invention de Nicephore Niépce. Morcelée, fragmentée, d'ombres, de lumières, de transparences, de traces, de reflets, l'unité de son œuvre tient dans proposition d'un univers éminemment poétique à l'intérieur duquel l'humain semble hésiter entre suivre le courant ou remonter à contre courant.
yves r
Déclinée en trois dimensions qui sont à la fois autonomes et mises en écho, l’exposition courants ~ contre-courants de Serge Clément est accueillie pour la première fois en France. Avec cette nouvelle création, le photographe canadien confirme un parcours extraordinairement original et inventif. Une série de tirages grands formats présentée en accrochage, deux livres de photographies géants consultables sur présentoirs (92 cm x 122 cm ouverts) et un ouvrage de 225 pages* constituent l’architecture de cet impressionnant projet que Serge Clément présente ainsi : « Ce dialogue intercontinental est fondé sur un travail de mémoire, d’observation et de réflexion, charriant archétypes et réalité(s). Il est issu de multiples séjours dans de nombreuses villes européennes et américaines depuis 1993. Par sa forme poétique, il demeure ouvert et pluriel. Cette "archéologie photographique" a pour but essentiel de comprendre l’Autre, dans la perspective de réaliser un travail d’homme, un travail de conscience humaine. Mes photographies combinent les plans spatio-temporels, explorant ainsi les multiples couches de l’activité humaine, réelles et imaginaires, passées, présentes et futures. Ce qui caractérise ce projet dans mon évolution, c’est une réémergence de la ville apparente, une ville où les êtres sont mis en abyme dans leurs représentations et leurs signes, lesquels tiennent de plus en plus lieu de réalité dans un monde de plus en plus médiatisé. L’urbanité demeure pour moi le terrain privilégié où matière, ombre et poésie agissent et interagissent, entretenant le feu de ma fascination pour la matière photographique comme récepteur potentiellement subversif de la réalité apparente, pour l’ombre comme incarnation de l’invisible, et pour la poésie comme véhicule de l’indicible ». Promeneur dans la ville, Serge Clément y puise en effet toutes ses énigmes photographiques, sans trucage, en jouant uniquement des incidences et des accidents visuels offerts à son regard. Déstabilisantes à l’extrême, ses photographies concentrent une multitude de signes qui se mêlent, s’entrechoquent, se répondent, dans un espace improbable, harmonieux et fascinant, et semblent se mouvoir à travers des perspectives inconnues. La dimension poétique, constamment présente dans ce que Serge Clément nomme ses « fouilles photographiques », demeure indissociable de son cheminement intérieur. C’est ici que les repères s’effacent et que la photographie réinvente le répertoire du paysage urbain.
Annie-Laure Wanaverbecq