L'instant d'après cet espace de seconde, je ne sais ce qu'il s'est passé. Vous dire pourquoi j'ai déclenché là, à cet instant précis, bien malin est celui qui pourrait le savoir. L'acte photographique est nécessaire à mon épanouissement, comme une curiosité saine entre voyeurisme et exhibitionnisme. La vie des autres est nécessaire à la mienne, à la fois voyeur, curieux, jamais malsain. Les gens ne sont plus un nom sur une carte d’identité, mais ils deviennent un instant de bonheur dans un cadre. Simple esthétique humaine, merveille qu’est l’invention photographique. Arrêter le temps sans savoir ce qui s’est passé avant et ce que tout cela va devenir.
Un menteur, un illusionniste, je ne vaux pas plus que ça. Photographier, fixer des instants sur la surface sensible de la pellicule grâce à la réaction chimique de sels d’argent est ma façon d’écrire mon monde, ma vision du partage et de l’égocentrisme. Saisir l’espace d’un instant une lumière fugace dans un cadre hors de toute réalité est la seule chose qui m’obsède. La vie commence à se composer devant moi et prétentieux, arrogant que je suis, je prétend mettre en boite des instants.
La photographie s’est présentée à moi à l’âge de 22 ans. Elle était courtoise, polie, parfois un peu « coincée ». Mais par bien des regards, des rencontres, elle m’a séduit. Ce ne fût pas très difficile de donner l’opportunité à un pauvre fou de vider son sac sur un divan de lumière. Notre premier anniversaire fût formidable. Pendant une année, j’ai appris à la connaître, la découvrir… Tout n’est pas une histoire de technique mais de passion, un amour qui tous les jours grandit, une façon de vivre sans arrêt différente.
Depuis, on ne se quitte plus, j’ai toujours avec moi une petit boite à lumière à visée télémétrique, une sorte de calepin à deux sous. Penser à ce point à elle me fait du bien, tout est image, même les salles obscures sont une source d’inspiration par les oeuvres d’Hitchcock, Kubrick, Depardon, Cartier Bresson, etc… Même les lieux les plus anodins sont devenus mes terrains de jeux favoris, mes amis sont tous des modèles en puissance, le temps ne s’arrête plus que l’espace de quelques 125ème de secondes.
Sans mon boîtier photographique je ne fais rien, partout où je vais il est avec moi fidèle prolongement de mon âme. Saisir le temps qui passe, ne se souvenir que de moments de bonheur en utilisant les coups durs comme piliers. Telle est synthétiquement l’histoire de l’humanité. J’aime cette phrase : « les gens parlent du temps qu’il fait pour oublier le temps qui passe ». Prendre son temps est un luxe qu’il est bon de savoir s’accorder. Ne rien faire, se laisser aller et par un excès d’orgueil donner une partie de soi.