la réorientation de la formation
supérieure, six étudiants photographes ont reçu hier une lettre de mise à la porte.
Anne-Catherine Lyon a décidé d'employer les grands moyens pour faire entendre raison aux étudiants qui, depuis quatre mois, boycottent les cours de la formation supérieure en photographie de Vevey. Six grévistes ont reçu hier un courrier recommandé de la cheffe du Département de la formation et de la jeunesse (DFJ), qui prononce leur exclusion. «Il y a un moment où la coupe est pleine», a justifié hier la conseillère d'Etat devant le Grand Conseil, qui répondait à une interpellation du député et municipal veveysan Laurent Ballif sur l'avenir de l'Ecole de photo de Vevey. Anne-Catherine Lyon a dénoncé la virulence des étudiants à l'égard du corps enseignant, «humilié et laminé par un conflit qui n'a que trop duré.» D'autres étudiants ont accepté de reprendre les cours, et de signer une déclaration dans laquelle ils s'engagent à «renoncer à toute action ou déclaration publique, notamment dans les médias, qui pourraient porter atteinte à la réputation et aux intérêts» de l'école.
«DOUBLON» À SUPPRIMER
Inscrits en deuxième année de formation supérieure au Centre d'enseignement professionnel de Vevey (CEPV), les grévistes critiquent le nouveau programme de la formation supérieure mis en place à la rentrée dernière. L'école de photographie amorçait alors un repositionnement stratégique consistant à mettre l'accent sur ses atouts techniques. «Les élèves ont été maintenus dans l'illusion qu'ils étaient dans une école d'art», tranche Alain Garnier, directeur général adjoint en charge de la formation professionnelle. «Or, il n'y a pas de place pour deux écoles d'art dans ce canton.» Il s'agissait, pour le DFJ, de supprimer un «doublon» avec la filière de communication visuelle à l'Ecole cantonale d'art de Lausanne (ECAL), qui comprend une spécialisation en photographie. D'entente avec le directeur de l'ECAL, Pierre Keller, le directeur du CEPV Michel Berney recommandait en outre le transfert à l'ECAL de la troisième année facultative dite de «perfectionnement», orientée vers l'aspect créatif de la photographie.
VIVIER CRÉATIF
Ce repositionnement coïncidait avec le départ de l'ancien directeur adjoint du CEPV, Radu Stern. Aujourd'hui en poste au Musée de l'Elysée, ce dernier avait développé une formation alternant cours théoriques et ateliers pratiques animés par des intervenants extérieurs: photographes, critiques d'art, galeristes, éditeurs, souvent de renommée internationale. Alarmés par la désertion de ces intervenants, par des cours jugés médiocres et mal articulés entre eux, ainsi que par ce qu'ils dénoncent comme l'absence de conception pédagogique, la dizaine d'élèves de deuxième année a donc décidé, après des pourparlers infructueux, de se mettre en grève. «Ce n'est pas parce que des étudiants sèchent les cours qu'ils sont en grève, réagit Anne-Catherine Lyon. Seuls les travailleurs peuvent l'être.»
Quelle qu'en soit la formulation, l'action des étudiants a provoqué un premier pic critique au mois de décembre dernier, lorsque le doyen de la section photographie, Christian Rossier, pressait par écrit le DFJ de prendre des mesures, «même les plus radicales», à l'encontre des «mauvais sujets» que recelait encore cette école. En bref, il s'agissait, selon les propos de Christian Rossier, de «décontaminer» l'Ecole de photo de Vevey. «Dans la loge du concierge a été affichée une liste rouge – retirée depuis – des étudiants qui n'étaient pas les bienvenus au CEPV. Anne-Catherine Lyon conteste que les étudiants aient été interdits de bâtiment, mais note qu'il s'agissait d'éviter qu'ils ne puissent emprunter du matériel de l'école.
A en croire les grévistes, la dureté du conflit illustre un ressentiment à l'encontre de Radu Stern, jugé trop difficile à contrôler par la direction. De vives tensions se sont en outre fait jour entre tenants de la formation artistique et techniciens. «C'est un vieux truc qui ressurgit maintenant, analyse Michel Berney. Il y a des créateurs, et des faiseurs, ce qui fait un peu rire à l'interne. Mais il est vrai qu'avant, il y avait une sorte de mépris pour la technologie. Evidemment, quand quelqu'un ne peut pas utiliser des resssources qu'on a dans l'école – et je ne parle pas forcément de M. Stern, mais plutôt des étudiants – il va essayer de les dévaloriser.»
L'AUBAINE VENUE DE BERNE
Dans la crise qui secoue l'Ecole de photo de Vevey, l'exclusion des étudiants dissidents risque de ne pas être un épilogue. Au-delà du recours que ces derniers pourraient adresser au Tribunal administratif, la formation supérieure en photographie est sérieusement remise en cause. Parmi les 14 étudiants de première année, 11 ont signé une lettre de soutien aux grévistes, et annoncé qu'ils n'avaient, pour l'heure, pas l'intention de suivre la deuxième année. Pour Laurent Ballif, la Confédération vient pourtant d'ouvrir une voie royale à la formation veveysane, en offrant à l'accréditation un nouveau cursus en arts appliqués.
L'école de Vevey aurait jusqu'au mois de mai pour déposer un dossier, et prendre, peut-être, une petite revanche sur l'échec de sa candidature au rang de Haute école spécialisée, à la fin des années 1990. Le député socialiste a proposé hier une marche à suivre dans ce sens à Anne-Catherine Lyon. Visiblement décontenancée, la conseillère d'Etat a renvoyé à plus tard sa réponse, expliquant qu'il lui faudrait d'abord «digérer tout cela»
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Motifs de la refonte contestés
MRz
Pour le canton, la restructuration de la section photographie du Centre d'enseignement professionnel de Vevey répond à des impératifs stratégiques et budgétaires. La collaboration avec l'Ecole cantonale d'art de Lausanne permettrait de dégager, selon les estimations d'Alain Garnier, directeur général adjoint en charge de la formation professionnelle, une économie de 200 000 à 400 000 francs. Pour les étudiants en grève, l'argument budgétaire n'est pas fondé. «La direction a remplacé une partie des intervenants extérieurs par des enseignants fixes, qui coÛtent beaucoup plus cher», argumente Vlado Alonso, l'un des étudiants qui ont reçu hier une lettre d'exclusion. Pour ce dernier, la nécessité d'accentuer la composante technique de la formation n'est pas non plus une explication crédible, puisque la Confédération avait reconnu en 2003 déjà – avant la refonte des programmes – l'enseignement dispensé à Vevey comme filière d'Ecole supérieure technique de photographie. MR