Galerie griesmar & tamer 40 rue de Richelieu 75001 Paris tel: + 33-1-47-03-09-60 http://www.griesmartamer.com Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h et sur RDV France
Pour son ouverture la Galerie Griesmar & Tamer propose une exposition monographique de Vincent Debanne. L’exposition comprend deux séries de photographies : Dreamworks et Dispositifs. La série « Dreamworks » est née d’un séjour en Slovaquie commissionné par l’IPRN, avec comme cadre de réflexion, le monde du travail et ses évolutions. Vincent Debanne a pris le parti de photographier la classe ouvrière Slovaque parce qu’elle fut à la fois l’inspiration et la cible principale de l’iconographie de l’ancien régime socialiste. En détournant les codes graphiques et thématiques de la propagande, il cherche à montrer la permanence de valeurs normatives, quelque soit le régime économique. En utilisant le mode parodique et son jeu de substitutions, d’empreints, il pose la question de l’avenir et le rôle de cette classe ouvrière dans la nouvelle société libérale, en référence à un passé où ces thèmes étaient centraux. Les travailleurs photographiés par Vincent Debanne sont le plus souvent inactifs, désoeuvrés, comme dépossédés de leur travail ou dans une attente indéterminée. La révolution en cours se produirait-elle sans eux, malgré eux ? Les quelques actions de travail présentées semblent sans finalité et absurdes. Tout comme le slogan aperçu au mur d’une entreprise d’automobile, affirmant qu’il est « magique de travailler ensemble ». La puérilité de cette formule présente au milieu des chaînes de montage, fait penser au cinéma illusionniste de Méliès, précurseur de la science-fiction et des effets spéciaux au cinéma. Le cinéaste français alliait en effet dans ses films la magie au mécanique, en l’inscrivant dans un univers technique, industriel et enfantin. Un cinéma enchaînant les apparitions, disparitions et substitutions. Le travail en équipe des savants du Voyage dans la Lune (1902) conduit bien à la découverte de champignons géants et de quelques diables disparaissant dans la fumée. La magie globalisante des successeurs de Méliès, «Dreamworks » et l’entertainment, aurait-t-elle eu raison du diable rouge, et avec lui de l’utopie ? « Travailler ensemble, c’est magique » ! A l’instar du philosophe Giorgio Agamben citant Walter Benjamin, le management aura parfaitement compris la tristesse d’un enfant quand il constate « qu’il n’est pas capable de magie ». La magie, c’est le bonheur ! « Un assujettissement réel naît mécaniquement d’une relation fictive. De sorte, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des moyens de force pour contraindre le condamné à la bonne conduite, le fou au calme, l’ouvrier au travail … » écrit Foucault à propos du panoptisme, défini comme un dispositif qui « automatise et désindividualise le pouvoir ». Dans un chapitre de Surveiller et punir, intitulé « les moyens du bon dressement », Michel Foucault origine l’élaboration de ce dispositif, ou plutôt de ce réseau de dispositifs, dans le camps militaire, « cette cité hâtive et artificielle, qu’on bâtit et remodèle presque à volonté », objet de tout les perfectionnements, permettant d’affiner les schémas de la surveillance la plus efficiente. La Série « Dispositifs » exhibe ces artifices, militaires et architecturaux. Les mêmes que ceux observés par Vincent Debanne sur les murs du Palazzo Publico de Sienne. Le panoramique effectué au Stade de France, par sa mise en avant des éléments architecturaux, son traitement de l’espace et sa thématique, convoque la fresque de Lorenzetti « Les effets du bon gouvernement à la ville et à la campagne ». A cette trame vient se superposer la fresque de Simone Martini, représentant Guidoriccio da Fogliano après sa victoire sur Montemassi. Cette fresque également panoramique représente un paysage déserté (à l’exception de son héros), structuré par l’ensemble d’un dispositif de combat désaffecté : fort, palissades, campement militaire. Tous les attributs du pouvoir « vertueux » sont donc donnés à voir au Palazzo Publico, l’obsession sécuritaire et le régime militaire de tout dispositif de gouvernance. « Notre société n’est pas celle du spectacle, mais celle de la surveillance «, disait Foucault pour se démarquer, alors que son oeuvre coïncide avec les analyses visionnaires de Günter Anders et de Guy Debord sur la société du spectacle. Vincent Debanne a choi si de photographier les abords des lieux traditionnels que sont le stade et le cirque. Il apparaît que ces dispositifs de spectacle sont en permanence réactualisés soit par les nouvelles technologie de surveillance et par une perfection structurelle ostentatoire (l’aspect machinique du stade de France, le blanc immaculé du mur d’enceinte et des chapiteaux de la multinationale du Cirque du soleil), soit au contraire en rejouant les signes, les symboles d’un pouvoir passé, se parodiant eux-mêmes dans un déploiement de drapeaux et de police montée. Convenant en cela assez bien à la vision parodique et exagérative des oeuvres de Vincent Debanne.