Expositions du 06/10/2007 au 15/12/2007 Terminé
Galerie of Marseille 8 rue du Chevalier Roze 13002 Marseille France
Le projet du Détroit, réalisé par Yto Barrada en 1998, voulait illustrer l'immuable comme l'éphémère de sa ville,
Tanger, cité frontière qui surplombe l'Europe et la contemple de l'autre rive du détroit de Gibraltar. L'ouvrage A Life Full of
Holes (Autograph ABP, 2005) réunit l'ensemble des photographies, vidéos et maquettes automates exécutées pour ce travail.
Mais depuis, le territoire de Tanger a été profondément bouleversé. Amplifiant les inégalités culturelles et sociales,
les activités économiques de la région de Tanger contribuent en outre à la destruction du patrimoine paysager. D'un bout à l'autre de l'agglomération, les entrepreneurs dévastent les pâturages, les marchés, les anciennes forêts domaniales, les plages et les bâtiments historiques. Le gouvernement est aux commandes de cette urgence immobilière. Tanger est en passe d'apparaître comme le miroir marocain de la Costa del Sol, devenant un réceptacle pour le tourisme balnéaire de masse et le commerce des services.
Le Maroc n'est pas le premier pays méditerranéen à manifester un appétit irrésistible de modernisation en
exploitant son littoral au détriment d'un arrière-pays délaissé. Dans le Maroc post-colonial, le tourisme et le consumérisme font figure pour certains de planches de salut, de sauf-conduits pour le progrès social et économique.
Dans le vaste chantier qui a envahi le paysage, les fleurs sont partie prenante de la question politique. Dans son
exposition Iris Tingitana (nom latin de l'iris indigène de Tanger), Yto Barrada explore une autre frontière dans la ville : celle qui court à travers les interstices en friche, là où la flore se frotte à l'urbanisme. Les iris et autres fleurs sauvages, de plus en plus rares et menacées, défient chaque jour le chaos des chantiers, un peu comme ces hommes assoupis dans les squares, bercés par le bruit des bétonneuses. À côté, c'est-à-dire presque partout, des géraniums rose fluo surgissent hors saison, entre les nouveaux lampadaires, sur les ronds-points et les îlots piétons.
Pour la nouvelle génération de décideurs marocains, bien déterminée à enterrer l'ancien Maroc, ces nouvelles
fleurs incarnent les fastes du progrès. Dans cette marche vers un paysage normalisé, les seules espèces indigènes encore tolérées sont celles jugées compatibles avec la modernité ou emblématiques d'un folklore de carte postale : palmiers, géraniums, pelouses vert tendre, et autres fétiches des aménageurs urbains imposés en lieu et place de la diversité locale.
À travers ses portraits de plantes rustiques, Yto Barrada recense patiemment, et souvent avec humour, les derniers
terrains vagues et sites précieux parce qu'indéfinis. Ne pourrait-on aussi y voir les prémices d'une stratégie de résistance active à la domestication d'une ville ?Galerie of Marseille 8 rue du Chevalier Roze 13002 Marseille France