Expositions du 26/06/2007 au 23/09/2007 Terminé
Jeu de Paume 1 Place de la Concorde 75008 Paris France
Cette exposition rétrospective célébrera les 30 années de collaboration de Pierre et Gilles, avec plus de 120 œuvres, dont beaucoup de créations de ces dix dernières années et, pour la première fois, l'ensemble de leurs autoportraits.
Le style Pierre et Gilles a connu le succès dès le début de leur collaboration, dès 1976, date de leur rencontre et début de leur collaboration. Leurs photographies rehaussées de peinture (ce sont des œuvres uniques) ont imposé cette iconographie singulière qui s'inspire des images pop, mythologiques, féeriques, burlesques, religieuses ou érotiques. Autant de thèmes abordés par leur travail, autour desquels cette exposition est construite.
Leur esthétique originale trouve sa source tant dans l'histoire de l'art (le baroque, le XIXe siècle…) que dans la culture populaire et l'imagerie contemporaine. Leurs sources d'inspiration sont multiples : les voyages, la musique et les variétés, le cinéma et la télévision, le monde de l'enfance, l'art religieux d'ici ou d'ailleurs, les mythologies, les images d'actualité… Les deux artistes explorent ces thèmes qui s'inscrivent dans l'imaginaire collectif de façon récurrente au fil des années et réinventent des images sans frontières ni tabous.
Pierre et Gilles réalisent essentiellement des portraits et autoportraits qu'ils abordent avec provocation, ironie, tendresse ou gravité.
"Les autoportraits ont jalonné notre travail depuis nos débuts. C'est un rituel qui nous permet de nous dédoubler, comme être face à un miroir ; ils nous reflètent et nous montrent tels que nous sommes. Ce sont aussi des expérimentations, des recherches très personnelles que l'on ne peut réaliser qu'avec nous."
Ils ont photographié les stars de la chanson, du rock, de la mode, de l'art, du cinéma ou du monde de la nuit, tout autant que les anonymes rencontrés au fil de leur vie.
Leurs créations sont les fruits de ces rencontres particulières ; elles sont toujours réalisées selon le même processus, qu'ils maîtrisent entièrement : une fois définis les choix du modèle et de la scène, ils font un dessin préparatoire, base de discussion pour la création des décors, des costumes et du maquillage. La photographie est réalisée à l'atelier, où le modèle vient poser au milieu du décor ; elle donne lieu à un tirage unique, qui est ensuite peint. L'œuvre n'est vraiment achevée qu'après création d'un encadrement spécifique, conçu par les artistes comme une extension de l'image.
Un catalogue monographique est publié à l'occasion de l'exposition, aux Éditions Taschen (parution prévue fin juin) ; environ 450 pages, avec 290 œuvres reproduites en pleine page couleur.
Pierre et Gilles sont représentés par la Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.
Depuis trente ans, de nombreuses expositions personnelles et expositions de groupe ont été organisées dans le monde entier, parmi lesquelles il convient de citer :
— l'exposition Pierre et Gilles organisée à la Chapelle du Méjan en 1994, dans le cadre des Rencontres d'Arles
— l'exposition présentée à la Maison Européenne de la Photographie à Paris en 1996 : Pierre et Gilles, vingt ans d'amour (1976-1996)
— l'exposition itinérante de 2000 organisée par Dan Cameron au New Museum de New York et à San Francisco
Et pour les plus récentes :
— à l'automne 2005, la rétrospective organisée pour l'inauguration du MOCA - Musée d'Art Contemporain de Shanghai
— fin 2006, l'exposition Pierre et Gilles - Un Monde Parfait, présentée à la Galerie Jérôme de Noirmont à Paris
— une installation, La Mort d'Abel, créée dans le cadre des "Correspondances du Musée d'Orsay", exposée de février à mai 2007
— de février à mai 2007, la rétrospective organisée en Russie, au Manège à Moscou, puis au Palais de Marbre du Musée Russe à Saint-Pétersbourg.
"Notre grande famille. Une esthétique de la réconciliation"
Paul Ardenne, extraits du texte à paraître en juin 2007
dans un ouvrage sur Pierre et Gilles édité par Taschen
"On ne présente plus l'œuvre de Pierre et Gilles. Leurs travaux sont mondialement connus. Leur style si particulier a fini par faire école, tous azimuts : dans la publicité, dans le vaste florilège des images de mode, notamment. (...)
L'éblouissement ? Voilà bien ce que l'œuvre de Pierre et Gilles, débordante de beauté superlative, livre avec le plus de constance, depuis trente ans à présent (Iggy Pop, 1977). Mais pas seulement. Empruntant à l'esthétique populaire son goût des formules visuelles séduisantes, l'image type signée Pierre et Gilles — un portrait arrangé — se caractérise aussi par sa surcharge protéiforme, ambivalente à dessein. Beauté de la composition, soit, mais alors mise en scène de manière volontiers exagérée. Travail sur la couleur des plus raffinés, mais outré. Extrême précision du rendu mais également lissage esthétisant, d'esprit kitsch à la puissance deux, un brin interlope. Modèles que le titre de chaque œuvre désigne par leur prénom mais arrachés pourtant à leur identité concrète par une transfiguration vestimentaire et un mode de présentation qui en font des emblèmes, plus que des figures humaines. Ambiguïté partout. Jusqu'à la célébration plastique du corps humain. Pour transparente que soit celle-ci, elle n'en revêt pas moins chez Pierre et Gilles une inévitable qualité d'équivoque. (...)
Dès les débuts de leur collaboration, en 1976, Pierre est celui qui photographie et Gilles celui qui peint, selon la formule consacrée. Aucun changement n'a affecté depuis lors cette pratique artistique à deux regards et quatre mains. (...)
Un personnage unique, en général, "blasonne" chacune de leurs images, sauf si leur sujet est celui des combattants solidaires, des amants réunis ou du couple que Pierre et Gilles forment eux-mêmes : Les Jardins du Paradis, Adam et Ève, Les Amants criminels, Les Cosmonautes ou encore Les Mariés, par exemple. La mise en forme plastique, ici, veut signifier par l'image un destin personnel. La facture du portrait pierre-et-gillien est elle aussi immuable : nul changement significatif en trois décennies de labeur acharné et au prorata de quelque quatre cents réalisations. Sinon de très rares portraits réalistes (Les Enfants des voyages photographiés aux Maldives, en 1982), le portrait type que signent Pierre et Gilles s'affiche invariablement comme un portrait arrangé et mis en scène. Moins que pour lui-même, le sujet photographié y est présenté travesti, endossant l'habit ou le statut d'un autre : ceux, diversement, d'une figure de la mythologie antique (Ganymède, Mercure, Méduse…), de l'histoire religieuse (Saint Sébastien, Saint Augustin, Bouddha…), du marin, du voyou ou de la femme fatale, du héros de cinéma (Anakin Skywalker) ou de la littérature (Le Capitaine Nemo, Le Dahlia noir), de la figure princière (Le Jeune Pharaon), à moins qu'il ne s'agisse de signifier une allégorie (La Mort, L'Innocence). C'est en toute décontraction que les canons chers aux deux artistes empruntent à l'esthétique populaire, celle du chromo, de l'imagerie de type Poulbot et Titi parisien, à celle, également, de l'image de mode, convoquée et exploitée jusqu'à saturation, à celle enfin du répertoire gay soft, à mi-distance entre le glamoureux et le style plus ouvertement "hard" d'un Tom of Finland. (...)
Chaque image, chez Pierre et Gilles, est l'expression conjointe d'une affirmation et d'une incertitude. De qui y parle-t-on : de l'homme en général, de l'homme en particulier, d'un modèle lambda, de ses fantasmes personnels, fantasmes dont le déguisement fournirait l'aveu implicite ? Entre résonances pop et sulpiciennes, le portrait que façonnent Pierre et Gilles opère à mi-chemin entre l'identification et la parabole. Le modèle qui pose pour les artistes, dans le titre de l'œuvre, est le plus souvent nommé et, comme tel, identifiable. Déguisement et maquillage, en contrepartie, lui confèrent une identité inédite, qui est la sienne sans l'être, qui le déréalise, le propulsant de concert dans le périmètre des figures mythiques. (...)
Appréhendée dans la totalité des figures qu'elle met en scène, au-delà de la sphère homosexuelle à laquelle elle ne se contient pas, l'œuvre de Pierre et Gilles fait l'effet surtout d'un condensé d'humanité. Une humanité que l'on va dire familiale, où les individus diffèrent, où les époques diffèrent aussi, où les thématiques également divergent mais où tout pourtant semble réuni. Ce tour de force agrégatif, rançon d'un style homogène indéfiniment reconduit, a pour effet de cimenter la peuplade des corps pierre-et-gilliens, de l'unifier en dépit de ses dépareillements. (...)
Face à cette œuvre, superbe déclaration d'amour en faveur de l'humanisme, il s'agit d'oublier notre conception déchirée de l'humanité, conception déprimée héritée des traumatismes du XXe siècle, de la dépersonnalisation induite par la société de masse et la technique instrumentaliste, et d'accepter d'envisager une autre humanité possible. Une humanité, en l'occurrence, où les laids seraient devenus beaux, où le martyre ne ferait pas mal, où l'horreur serait supportable sinon jolie, où la mort ne tuerait pas, bref, où l'amour avant tout règnerait en maître du monde. Utopie totale, certes, dont nous devons toutefois retenir le message subliminal, bien concret, lui, sinon de nature à nous inciter à l'engagement, celui de l'érotisme comme liant social majeur. L'image, chez Pierre et Gilles, est un vecteur fondamentalement érotique, érogène même : on n'y frotte les yeux que pour aimer la figure de nos semblables et, par rebond, nos semblables eux-mêmes et en bout de course nous-mêmes enfin, entités respectables de la grande famille humaine."Jeu de Paume 1 Place de la Concorde 75008 Paris France