Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Expositions
Expositions du 28/03/2007 au 20/05/2007 Terminé
Prenez cette image par exemple (cf première image à droite de ce texte). Un écran blanc de projection et, devant, deux fauteuils. Partant de là, ce qui sera projeté sur cet écran, nous ne le saurons jamais. Mais ce que nous voyons, nous le voyons bien. Cette photo n'a pas été prise en passant. Un appareil photo a été littéralement placé là. Sur un pied. Dans l'histoire de la photographie, cette façon de faire a toujours éveillé de grands espoirs.
Les photographies d'Annelies de Mey ne nous offrent cependant ni évocations surprenantes de la nature, ni tribus en voie de disparition, ni nus extra-terrestres. Nous voyons des endroits tout à fait ordinaires. Une anthologie de l'ordinaire pénible.
Et bien qu'aujourd'hui elle doive partager cette pratique avec bien d'autres, Annelies de Mey ne se drape pas dans l'anonymat stylistique qui caractérise la plupart des photographes du quotidien. Donc, ni imitation de photos instantanées, ni autres stratégies de nivellement qui rendent souvent l'image aussi banale que ce qui y est représenté.
Même avec les réserves nécessaires, ces photographies peuvent avoir un impact.
Comme chez Robert Adams, par exemple, ses images semblent avoir été faites sans effort. «Sinon il semble bien que la beauté de ce monde soit insaisissable et exceptionnelle, ce qui n'est pas le cas», estime Adams. Ce qui est mis en image ici, c'est la «forme qui se cache derrière l'apparence de chaos». Il s'agit de photographie anti-triomphaliste. Une photographie à fin ouverte. Silencieuse.
Alors que, chez Adams, la forme est une part importante d'un projet documentaire critique, chez Annelies de Mey, la lecture et l'explication des photographies sont plutôt passées sous silence. Strictement parlant, elle ne travaille ni de façon thématique ni en séries; chaque image existe par elle-même et peut, en principe, être donnée à voir à côté de n'importe quelle autre.
Cependant, même s'il s'agit ici d'époques radicalement différentes, nous pourrions, dans ce rapport avec ses photos comme images autonomes, évoquer quelques souvenirs de la pratique photographique des surréalistes. Pour les surréalistes, l'ancrage indissoluble de la photographie dans la réalité s'avérait être, en fin de compte, tout sauf un frein à leurs efforts pour donner forme «à l'inconnu, à l'inconscient». Pour eux, la photographie était garante de l'expression d'une réalité cachée, de «l'irrationalité concrète» des choses. Ils voulaient délivrer la photographie de l'«arrogance rationaliste» qui l'avait gouvernée jusque-là et lui permettre de fusionner avec le «mouvement de libération poétique».
Les photographies cessent alors d'être de pures interprétations de la réalité et deviennent des présentations. Des propositions et des représentations. Les objets et les lieux ne sont pas seulement photographiés pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils peuvent évoquer de plus, de différent. C'est ainsi que les endroits photographiés par Annelies de Mey – ses expériences de terrain, entre le reconnaître et le revoir – remplissent à leur façon la promesse de l'inaccompli, les promesses de l'écran vide.