Le Prix HSBC pour la Photographie exposera Antoine Bruy & Petros Efstathiadis, lauréats 2018 ainsi qu’Olivia Gay, Prix Joy Henderiks, à la Galerie Le Réverbère du 1er juin au 13 juillet 2018.
Antoine Bruy raconte :
« J’ai voyagé à travers l’Europe et les Etats-Unis en auto-stop avec le but de rencontrer ces hommes et femmes qui ont fait le choix radical de vivre loin des villes, en rupture avec un mode de vie qu’ils considèrent bien souvent comme étant obsédé par le rendement et l’efficacité et qui aurait la consommation pour seul horizon. »
Scrublands
Alors qu’il sillonne la France en auto-stop, Antoine Bruy rencontre des hommes et des femmes, qui, en Ardèche et en Lozère, aspirent à vivre de manière la plus autosuffisante possible. Inspiré par cette démarche, il se porte volontaire au sein d’un réseau répertoriant les initiatives de culture biodynamique et de permaculture. Il est alors hébergé dans des lieux communautaires, qui lui permettent d’aller à la rencontre de ces hommes et femmes, aussi bien en France qu’en Roumanie, en Suisse, en Espagne ou aux États-Unis – seize sites au total, répartis sur deux continents, sont présents dans son travail. Dans ces lieux où Bruy voyage simplement avec son sac à dos, il photographie aussi bien la nature, dont il saisit finement les nuances infinies, que les habitats, assemblages hétéroclites, où dominent la simplicité et la rusticité. Il réalise également le portrait des hommes et femmes qui ont fait le choix de s’isoler dans ces lieux – ceux qui sont, comme l’écrit Raphaëlle Stopin dans son texte d’introduction, « mus par un désir écologiste d’autosuffisance, un élan de désobéissance civile ou des préoccupations survivalistes, (…) ont abandonné les attributs du confort moderne et tentent la construction de nouveaux schèmes. La cabane, espace sans cesse mis en mouvement par son habitant-architecte, tient à cet endroit lieu de manifeste. » Ces tentatives de fonder une utopie en retrait de la société, que ce soit dans les Pyrénées, dans les Carpates, la Sierra Nevada, ou encore dans les Rocheuses, Bruy les photographie dans « un même camaïeu d’argile », qui adoucit l’atmosphère et unifie les espaces, agissant comme l’expression d’un autre mode d’existence.
Toutes les citations sont extraites du texte d’introduction de Raphaëlle Stopin.
Petros Efstathiadis nous dit à propos de son projet :
« Mes installations éphémères d’apparence désinvolte, réalisées avec des matériaux banals, se réfèrent à une campagne vaguement grecque, peut-être plus largement balkanique, et dont les habitants inventent des solutions avec ce qu’ils ont sous la main. »
Liparo
C’est en Grèce, dans le petit village macédonien dont il est originaire, que Petros Efstathiadis s’attache à photographier, par le prisme de ce microcosme, une terre en mutation. Là-bas, « pas l’ombre d’un péristyle antique (…), nulle silhouette de maison blanchie à la chaux », mais des portraits réalisés devant des bâches en plastique, des constructions composées de bric et de broc, des personnages vêtus de mystérieux costumes dont on ne voit pas le visage. S’inspirant des clichés réalisés par Walker Evans durant la Grande Dépression, dans lesquels il perçoit une véritable contemporanéité, Efstathiadis s’attache à restituer les traumas de son pays. Il s’impose alors des règles qui régissent son processus de création : ne photographier que certains types d’objets, dans certains lieux, avec un certain degré de détails ; laisser la matière brute; procéder de manière instinctive. Ainsi, le photographe rassemble des objets hétéroclites, destinés au rebut ou trouvés dans les arrière-cours des villageois. Avec, il fabrique ce que Raphaëlle Stopin appelle des « objets poétiques de contestation » – machines hybrides, telles que des canons ou des radeaux, bombes artisanales inoffensives… Des objets qui racontent une histoire entendue ou vécue, dans ce petit village d’un pays en crise, et qui ouvrent une échappée vers un monde fictif et symbolique. Autant de créations hybrides, issues aussi bien de l’imaginaire de l’artiste que du réel qui l’environne, qui « témoignent des espoirs, bientôt déçus, d’un père cultivateur dans une Grèce soumise au régime sec de la mondialisation, de jeunes filles aspirant à la célébrité, d’un village traversé par la crise croyant se racheter une santé en vendant ses terres à un exploitant de gaz, ou de jeunes, émeutiers d’un jour, se confectionnant des bombes artisanales, pains de savon et de mousse à raser, couronnées de pâquerettes. »
Toutes les citations sont extraites du texte d’introduction de Raphaëlle Stopin.
Image : © Petros Efstathiadis - Preacher's house 2016