Guillaume Zuili, lauréat du Prix Camera Clara 2017
Mustapha Azeroual, finaliste du Prix Camera Clara 2017
Patrick Tourneboeuf, finaliste du Prix Camera Clara 2017
Depuis 2012, le Prix Camera Clara réservé aux artistes qui travaillent à la chambre, récompense chaque année un travail d’auteur inédit.
À travers cette exposition du lauréat et des deux finalistes du Prix 2017, la Galerie Folia est heureuse de mettre en valeur la création contemporaine et la pratique photographique exigeante qu’est le travail à la chambre.
Guillaume ZUILI, lauréat
Né en 1965 à Paris, il est maintenant citoyen américain et vit a Los Angeles depuis 2002. Représenté par la Galerie Clémentine de la Féronniere, Paris. Il est correspondant pour l’Agence VU.
Une grande partie de son travail s’est concentrée sur la mémoire des villes européennes. En s’intéressant à la technique de la double exposition, il documente Berlin, Moscou, Paris, Prague et Lisbonne, avec un style qui se détache déjà du réalisme. Aujourd’hui son obsession se concentre autour du mythe américain, en réalisant différentes approches et techniques. “LA Smoke & Mirrors”, “LA Chromos” et maintenant “Harbor City” traitent toutes des symboles et de la mémoire collective.
URBAN JUNGLE
Je vis à Los Angeles depuis 2002. Une mégapole que je photographie tous les jours et qui ne cesse de m’étonner.
Ce n’est pas une entité mais plusieurs villes collées bout à bout, au fur et à mesure de son expansion horizontale. Quadrillée par des centaines de kilomètres de freeways. Plusieurs mondes cohabitent sans se mélanger. Beverly Hills, West Hollywood, le Westside ignorent presque l’existence d’un Downtown voire pire… East LA. Et j’ai photographié ces différents univers avec toujours mon obsession des signes et des traces.
Un déménagement à San Pedro en 2017 m’a fait découvrir un autre LA que j’ignorais complètement. Les artistes fuyant Venice Beach ou Downtown à cause de la “gentrification” investissant cette zone, prise en sandwich entre Le westside et ses plages et la riche zone de Orange County.
San Pedro est le Port de Los Angeles.
Une ville où soit on se cache soit on s’est perdu…
Une cacophonie urbanistique et industrielle où tout se mélange.
Des Freeways à perte de vue avec un mouvement permanent de poids lourds qui déversent les produits venus des containers du port nuit et jour…
Au milieu, des immeubles vides aux fenêtres ouvertes, des enseignes sans signe, d’un autre temps, qui résistent mais vont disparaître.
De petites échopes cadenassées pour protéger le peu qu’il y a.
Un “Sorry Man” d’une église évangelique pour mettre au pas ces ouvriers latinos du rêve américain et leur rappeler la colère de Dieu.
Un tronc de palmier coupé, car rien ne résiste à ce rêve.
Un drapeau qui claque au milieu d’un échafaudage dérisoire car on les trouve partout.
Ces signalétiques désuètes d’une Amérique de Walker Evans qui est toujours là.
Ces Freeways encore et toujours…
Et ce Van à bout de souffle venu du Wyoming lointain, à la carosserie rouillée, qui a fini sa route vers cet Ouest si magique et fantasme.
Guillaume Zuili
Mustapha AZEROUAL, finaliste
Né en 1979 à Tours, Mustapha Azeroual est photographe d’origine franco-marocaine, il vit et travaille entre Paris et Casablanca.
Scientifique de formation, son travail se fonde sur l’observation et l’expérimentation, confrontant les techniques historiques de prise de vue et de tirages aux enjeux contemporains de la photographie. Interrogeant les outils, les processus d’apparition et les supports, l’artiste privilégie avant tout le point de vue du spectateur.
Son travail est représenté en France par la Galerie Binome (Paris), au Maroc par CulturesInterfaces (Casablanca) et aux États-Unis par Mariane Ibrahim Gallery (Seattle).
ELLIOS#2
ELLIOS* est une étude photographique du soleil comme source première de lumière et de ses phénomènes d’altération menée depuis 2013 en partenariat avec LESIA (pôle d’observation du soleil de l’Observatoire de Paris-Meudon).
Cette réflexion part du présupposé que ce qui rend les choses visibles (la lumière, par essence, le soleil) n’est pas visible.
La série ELLIOS#2 est issue de ces recherches.
Pour ce travail, je me suis replacé dans les conditions des premières missions photographiques en marchant cinq jours autour d’une même montagne, dans le haut Atlas marocain, accompagné d’un guide et d’un mulet transportant la chambre photographique. En choisissant d’explorer ces paysages accessibles uniquement à pied, il s’agissait, pour moi, de tenter de me rapprocher de la temporalité du soleil.
A travers cette série, je souhaite questionner une utilisation paradoxale de la photographie souvent employée afin de retranscrire ce que l’on a vu, alors que la photographie induit intrinsèquement un changement de dimension (de la 3D à la 2D).
Ainsi, de cette exploration, j’ai décidé de rapporter des captations de lumière plus que de simples vues de paysages, retranscrivant ainsi une véritable expérience du visible. J’ai décidé d’interrompre le processus photographique en montrant l’image qui n’est pas visible, l’impact de lumière. C’est par ce choix de montrer l’image négative que je donne à voir la lumière, comme empreinte primitive du paysage.
Le travail à la chambre m’a permis, par l’utilisation de bascules, de retirer toute profondeur au paysage. Les images qui en résultent, issues de la matérialisation de la lumière par la cristallisation des halogénures d’argent à la surface du film photographique, dévoilent les fragments d’une roche originelle et universelle.
Mustapha Azeroual
*ELLIOS : anagramme de soleil
Patrick TOURNEBOEUF, finaliste
Né en 1966 à Paris.
Membre du collectif de photographes Tendance Floue,
Patrick Tourneboeuf cherche à retracer la présence humaine dans des lieux qui en sont a priori privés. Dans le millieu des années 1990, il s’intéresse à l’espace urbain avec la série « Périphérique », vision silencieuse du boulevard parisien. « Nulle part » explore les stations balnéaires des côtes européennes libérées des estivants. À partir de 2003, il consacre une partie de son travail à la fixation des stigmates de l’Histoire : les traces du mur de Berlin, les plages du Débarquement ou les monuments aux morts de la Grande Guerre. Son travail sur les lieux patrimoniaux est rassemblé dans un ouvrage intitulé Monumental.
NEXT CITY
À l’heure de la mondialisation, existe-t-il une pensée globale pour un urbanisme utopique de masse qui répondrait à des problématiques ‘’universelles’’ du logement ?
Serait-ce le reflet d’un nivellement par le centre, banissant des principes ancestraux et oubliant la transmition d’un patrimoine traditionnel.
L’observation de situations similaires et contemporaines dans des contextes géographiques, historiques, sociaux et culturels différents, permet de se poser la question.
Nous sommes en périphérie de deux mégapoles distantes de près de 4 000 km, Pékin et New-Delhi. Pourtant ces vues de chantiers sont troublantes par la similitude des formes de ces vaisseaux venus de nulle part posés dans des déserts de bétons, par des perspectives similaires qui répondent aux mêmes codes. Ces futurs espaces de vie se ressemblent et se répondent. Ces lieux en devenir sont-ils la concrétisation du rêve de l’idéal, symbole d’avenir, de réussite ?
Ce travail photographique est le fruit d’une observation méticuleuse de paysages agîtés, en mutation. Il est réalisé à la chambre photographique, loin d’être simplement documentaire, dans une démarche d’auteur. Ce positionnement permet de prendre le temps de cadrer avec minutie, maitrisant l’économie des images pour donner du sens, y amener une saveur esthétique et un rendu technique abouti.
Next City nous invite à une reflexion de l’action des hommes au-delà des frontières.
L’habitat comme marqueur de l’identité culturelle? Plus vraiment.
Patrick Tourneboeuf
Image : © Guillaume Zuili - Ghost Sign
Courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière