© Mathias Depardon.Facebook
Le photographe, installé en Turquie depuis 5 ans, a été arrêté le lundi 8 mai à Hasankeyf, où il effectuait un reportage sur le Tigre et l'Euphrate pour le magazine National Geographic.
Depuis, il est toujours détenu à Gaziantep, région frontalière à la Syrie, alors qu'un arrêté d'expulsion a été pris à son encontre le 11 mai, que les autorités turques n'ont pas appliquées.
Les raisons de son arrestation restent imprécises. Il est reproché à Mathias Depardon de travailler sans carte de presse, sa demande de renouvellement n'ayant pas abouti.
Lors de son arrestation, son matériel et ses codes d'accès aux réseaux sociaux (instagram, facebook, twitter) ont été saisis et utilisés comme pièces à conviction.
Les policiers y ont trouvé des photographies de militantes kurde du PKK prises au nord de l'Irak en 2014 leur permettant de l'inculper pour « propagande terroriste », une justification courante en Turquie. Reporters sans frontières qualifie son arrestation d'absurde et estime que « prendre des photos de militants ce n'est pas de la propagande, ni se rendre complice de qui que ce soit ».
Le 19 mai, RSF, d'autres organismes de défense de la liberté de la presse et une vingtaine de rédactions, ont demandé sa libération au ministre de l'intérieur turc, Süleyman Soylu, à travers une lettre ouverte, restée sans réponse.
Mathias Depardon a entrepris une grève de la faim du dimanche 21 mai jusqu'au samedi 27 mai auquel il a mis fin une fois convaincu que son dossier était pris au sérieux.
En effet, à l'occasion du sommet de l'Otan le jeudi 25 mai, le président Emmanuel Macron et le président turc Recep Tayyip Erdogan ont abordé le sujet du photographe et Erdogan a garanti qu'il « examinera rapidement » le sujet.
De plus, Christophe Hemmings, vice-consul de France à Ankara, a rendu visite au photojournaliste le samedi 27 mai. L'engagement du président de la République et cette visite ont participé selon Christophe Deloire, secrétaire générale de Reporters sans frontières, à montrer aux autorités turques le sérieux du sujet aux yeux des autorités françaises.
A ce jour, Mathias Depardon est en détention depuis plus de trois semaines et la procédure d'expulsion n'est toujours pas appliquée.
Son cas n'est pas isolé et met en lumière les difficultés d'exercer les métiers de photographe et de journaliste. La liberté de la presse en Turquie est menacée, surtout depuis l'instauration de l'état d'urgence en juillet 2016, où les autorités ont fermé plus d'une centaine de médias (140), annulé plus de 700 cartes de presse et emprisonné une centaine journalistes (100).
Une mobilisation de trois jours en faveur des journalistes emprisonnés en Turquie a été organisée par RSF et l'artiste de Street art C215, à Paris. L'opération consistait à peindre le portrait de dix journalistes incarcérés en Turquie, pays qui occupe la 155e place sur 180 dans le classement mondial 2017 de la liberté de la presse établi par RSF.