© Jacques Borgetto
Expositions du 5/4/2017 au 27/5/2017 Terminé
Espace Photographique de l'Hôtel de Sauroy 58 rue Charlot Mº Filles-du-Calvaire ou République 75003 Paris France
Communiqué de presse - « Depuis 2007, j’ai parcouru le Tibet de nombreuses fois et en toute saison. A chaque voyage, j’ai constaté de nombreuses évolutions du territoire : les routes, les autoroutes morcellent de plus en plus les paysages des grands plateaux. J’ai souvent pensé que ces changements serviraient les Tibétains. Il n’en est rien : aucune infrastructure n’est destinée à desservir les petites villes et les campements.Espace Photographique de l'Hôtel de Sauroy 58 rue Charlot Mº Filles-du-Calvaire ou République 75003 Paris France
La colonisation chinoise est de plus en plus évidente à Lhassa, ville sainte. Cette politique s’accompagne d’une destruction de l’habitat tibétain, remplacé par la construction de logements à destination des Chinois. Cette politique volontariste tend aussi vers la sédentarisation des nomades des hauts plateaux avec pour corollaire la construction de villes nouvelles.
Pendant les fêtes du Nouvel An, les touristes chinois envahissent les grands monastères, tels Labran. Juchés sur des escabeaux, ils photographient sans retenue les cérémonies religieuses ancestrales sans en comprendre la portée symbolique. Cette pratique a mené le Dalaï Lama à qualifier le Tibet de prochain “zoo pour touristes”.
Pour retrouver de la sérénité, il faut gravir les montagnes, aller toujours plus haut, là où la vie est dure et la nature hostile, dans ces petits monastères, parfois accessibles, mais malgré tout surveillés par la police. Sur les grands plateaux, les nomades, dans leur générosité fraternelle, vous accueillent toujours avec un verre de thé au beurre salé. Ils vous offrent l’hospitalité et leur incommensurable douceur.
Au fil de ces voyages, j’ai noté également l’évolution vestimentaire inéluctable. Les vêtements traditionnels sont remplacés ou associés à des productions chinoises. Le mélange T-shirt chinois et manteau en poils de Yak est dorénavant habituel. On rencontre parfois certains nomades en tenue traditionnelle : des femmes vêtues de leurs tabliers colorés aux motifs variant en fonction de leur région.
Le Tibet, a toujours été pour moi d’un grand mystère et il exerce toujours une profonde attirance. Les lectures d’Alexandra David-Neel, et de bien d’autres, m’ont permis d’entrevoir la richesse et la singularité de cette civilisation. Mes voyages m’ont offert de vivre une aventure spirituelle intense et de partager la vie d’un peuple exceptionnel et attachant, aujourd’hui menacé dans son identité. » Jacques Borgetto
© Jacques Borgetto
Laura Serani, commissaire de l’exposition :
Le Tibet, si près du ciel et si loin ...
Le voyage est souvent à l’origine du travail photographique de Jacques Borgetto, photographe et voyageur « au long cours », dont la manière de procéder s'apparente à celle des explorateurs. Motivé d’abord par le désir de retracer le parcours de ses grands-oncles italiens émigrés en Amérique latine, Borgetto n’a plus arrêté, depuis, de partir à la découverte de régions dont il s’est attaché à rendre compte de l’évolution au fil des années. Cela, en Argentine, au Chili, au Japon, au Tibet, en allant au-delà du voyage intérieur pour focaliser son attention sur les autres dont il cherche à comprendre et à intégrer la culture.
Jacques Borgetto, par un travail qui se construit pays par pays, crée son propre atlas.
Tout en s’appuyant sur les genres classiques du portrait et du paysage, il pose un regard nouveau sur des contrées et des civilisations méconnues et il arrive à en livrer une vision intime. Les images, résultantes de ses rencontres, magnifient les lieux visités, leurs paysages, leur patrimoine et leur culture, sans pour autant vouloir occulter les tensions du contexte économique et politique.
Ainsi au Tibet, dont Borgetto montre la sérénité, le quotidien et le spirituel, les traditions persistantes et la modernité approchant, mais où l’immensité du ciel, si présente dans ses images, semble évoquer la question du territoire nié, telle une forme de résistance céleste.
Dans le sillage de Georges Bataille qui en 1947 parlait du « mystère du Tibet » et comme il est souvent le cas pour nous Occidentaux, le Tibet représentait pour Borgetto depuis toujours un grand mystère et exerçait une grande attirance, sentiments nourris ensuite par ses nombreuses lectures.
Peu de traces de ces couleurs, de celles des drapeaux de prière, ou de l’orange des tuniques des moines, dans le Tibet de Borgetto qui, le plus souvent, choisit de travailler en noir et blanc, pour des images à la matière sensible, charbonneuses et contrastées, mystérieuses et à la fois denses d’informations. La couleur intervient depuis peu et surtout dans les paysages photographiés au printemps, comme pour souligner la douceur des prairies, des collines, la luminosité du ciel et l’harmonie des architectures. Son noir et blanc semble vouloir exprimer la forte spiritualité du Tibet et, en même temps, la nostalgie pour un monde qui risque, au moins en apparence, de s’effacer lentement sous les contraintes.
Mais il semble également traduire la puissance de la pensée bouddhiste, pensée faite réalité, identifiée et identifiable en un pays, qui, même si otage de la Chine, seul semble résister à la violence, aux turbulences et à la globalisation qui régissent le reste du monde.