La Hune s’anime une nouvelle fois en proposant Diary - Sentimental Journey, un travail rétrospectif du maître de la photographie japonaise Araki qui nous dévoile la vision de son dialogue avec le monde. Ces séries de fleurs, de nus et de ciels ont la forme radicale de polaroids ou de planches-contacts uniques, représentant l’essence d’une photographie subjective, palimpseste et progressive.
Araki, au-delà de sa veine érotique, nous livre son intimité hypnotique, dans sa relation fusionnelle avec son épouse Yoko, de leur mariage au décès prématuré de celle-ci. C’est son travail le plus personnel, l’appareil étant une véritable extension de son oeil, où l’intimité de son quotidien prend vie. Il nous emporte dans un voyage aussi frénétique qu’authentique, rythmé par des respirations visuelles particulièrement touchantes. L’ouvrage Sentimental Journey, publié en 1971 à compte d’auteur nous plongeait dans l’intimité de son voyage de noces et la préface d’Araki était un véritable manifeste où il se définit comme un photographe du «roman personnel» (watakushi shōsetsu). Ce livre formait la pierre angulaire d’une œuvre en devenir.
Aujourd’hui, et pour la première fois, il nous offre le « making-off » de la genèse de ce reportage séminal en nous donnant à voir la totalité des photographies réalisées lors de ce voyage sous forme des dix-huit planches contacts originales où l’on découvre les séquences contenant ses photos les plus iconiques mais également des scènes qui n’avaient pas été retenues dans le court livre original de 108 photographies.
La distanciation à la réalité imposée par le noir et blanc de ces planches-contacts dialogue ici avec une série de polaroids pris plus de trente ans après, débordant de couleurs. On retrouve dans ses précieuses images uniques la confrontation sensuelle des corps mais également deux des thèmes majeurs qui ont fait irruption dans l’œuvre d’Araki après le décès brutal de Yoko en janvier 1990, les fleurs et l’infini des ciels où la présence de Yoko affleure métaphoriquement. Rétrospectivement, les planches en noir et blanc du Voyage Sentimental se teintent de mélancolie et la tension entre Eros et Thanatos s’y fait plus présente.
Ses photographies aux détails démultipliés, où la spontanéité désamorce la perfection de la technique offrent une trame narrative généreuse, franche et savoureuse qui se joue des clichés.