Photographie habillée 3, 1996 © Gotscho
Expositions du 7/9/2016 au 30/10/2016 Terminé
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Communiqué de presse de la MEP Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Il y a tout juste vingt ans, Gotscho présentait pour la première fois à la Maison Européenne de la Photographie ses « photographies habillées », de grandes images du corps hors norme de l’artiste photographié par Nan Goldin sur lesquelles sont cousues, à même le tirage, de spectaculaires robes signées des plus grands couturiers des années 1990. Sur une proposition de Jean-Luc Monterosso, Gotscho réinvestit les lieux pour une confrontation inédite avec ses propres créations, dans une exposition qui mêle les oeuvres d’origine, leurs réappropriations récentes et des créations in situ témoignant toutes d’une même effervescence créative. Affirmant son goût de la rupture, du contraste parfois dérangeant, Gotscho mêle sans tabou les univers et les pratiques, proposant une immersion sensorielle et en volumes qui convoque photographies, installations et création sonore. Gotscho malmène les images, son image, et propose au visiteur un « remix » de vingt années de carrière, où la fragilité de l’artiste se révèle dans un point de couture, un tirage froissé, l’angle mort d’un miroir.
Les « photographies habillées » constituent le point de départ de l’exposition, en écho au premier accrochage de 1996. Détournement subversif de la photographie de mode, cette série aux frontières de la photographie et de la sculpture est aujourd’hui réinterprétée par Gotscho qui en photographie la face cachée, ne laissant plus voir en regard de l’oeuvre originale que son envers, les points de suture qui lient le vêtement à la photographie. Ce retournement a valeur de démythification pour l’artiste qui y dévoile les coulisses de la création. Par ce geste, Gotscho plus que jamais se met à nu, affirmant la profonde matérialité de son vocabulaire dans un saisissant travail d’épure et de retour sur soi.
Photographie habillée 4 (détail), 1996 © Gotscho
Issues de la série « Ladies First » conçue en 2007, quatre installations sculpturales prennent place au coeur de l’exposition, quatre miroirs en coin, souvenirs de cabines d’essayage, dans lesquels semblent pris les oripeaux d’une femme fantasmée, disparue, dont ne subsisterait que la trace. Cette traversée du miroir évoque aussi bien l’Alice de Lewis Carroll que l’Orphée de Cocteau, opposant à cette disparition le reflet démultiplié du spectateur. Dans ces angles morts, le corps absent, évoqué seulement par les vêtements, de la femme rend visible une certaine fragilité, un entre-deux trouble entre disparition et démultiplication, vie et mort, masculin et féminin. L’envers de ces installations, en bois brut, sans ornement aucun, ajoute un contraste supplémentaire avec le jeu éblouissant des miroirs et la beauté des étoffes, leur opposant sa surface nue, opaque, presque pauvre.
Le même trouble habite la création sonore inédite, « It has no name », réalisée en collaboration avec le compositeur Jules Wysocki, qui traverse le parcours de l’exposition et accompagne le visiteur. Détournant le code Hays, système de censure régissant de 1934 à 1966 le cinéma hollywoodien, notamment en matière de nudité et de sexualité, différents extraits de films se superposent à la voix en français d’une femme mystérieuse. Cette création ajoute une nouvelle dimension à l’exposition, convoque la mémoire et introduit l’idée d’une féminité fragmentaire, d’un glamour en lambeaux, qui entre en résonnance avec les pièces exposées. Cette voix sans corps est la voix de l’exposition.
Enfin, une installation monumentale créée in situ prend la forme d’un grand tirage froissé, vrillé, comme une ultime impertinence dans un musée de photographie. Jouant avec la sacralisation de l’image, ce vortex qui s’étire du sol au plafond, où l’envers et l’endroit se mêlent, où la photographie d’origine, issue des « photographies habillées », est à peine reconnaissable, s’impose comme un avatar supplémentaire de l’artiste. Gotscho détruit Gotscho, ou tout du moins le malmène, dans une étreinte violente, une tornade créatrice qui semble ouvrir des voies nouvelles et rejoue une certaine dialectique de l’être et du néant. Gotscho se réinvente, délaisse les réinterprétations des créations de ses contemporains qui ont fait sa renommée, et rejoue son oeuvre sur un mode nouveau, la confrontation à soi.
Photographie habillée 6, 1996 © Gotscho