Mila, 2010 © Ryan Arbilo
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
«L’émigration philippine en France a un visage. Ce visage est féminin. Les femmes philippines ne cherchent pas à faire carrière, mais simplement à assurer la subsistance de leur famille, restée au pays. En assurant une part importante du revenu national, elles assistent, impuissantes, à la désintégration du milieu familial et à la perte de repères de leurs enfants. L’espoir qu’elles placent dans leur éducation est amer : il n’est pas rare qu’elles-mêmes arrivent en Europe, diplômées d’études supérieures, pour être embauchées comme employées de maison.
J’ai voulu encourager Ryan Arbilo, jeune photographe philippin dont le regard s’est tourné vers ces femmes qui portent en elles la déchirure de tout un peuple. Ses photographies ont la puissance d’un face-àface sincère, intime. Ce sont les portraits sans retouches d’autant de femmes, d’autant de mères, qui tendent vers nous leurs mains nues et abîmées, leur seule force de travail. Ryan Arbilo offre son talent au service de ces femmes trop souvent invisibles, confronte le spectateur, et impose des corps sur une réalité que beaucoup préfèrent ignorer. Osons les regarder en face.»
Jack Lang
Zeny, 2010 © Ryan Arbilo
«En 2009, j’ai initié une série de photographies intitulée Chicken hands. Il s’agit de portraits de femmes de ménage philippines, travaillant en France depuis de longues années, avec pour seul outil de travail leurs mains. Celles-ci, déformées par le travail ménager, ressemblent à des pieds de poules.
Sur leurs visages s’inscrivent aussi les marques laissées par de dures conditions de vie, dans un pays dont elles ne connaissent pas la langue et les coutumes, à leur arrivée. Elles souffrent d’avoir laissé derrière elles leurs enfants, bien malgré elles, pour subvenir à leur éducation et leur offrir de plus grandes chances de réussite dans l’existence. Beaucoup n’obtiennent la régularisation de leur séjour en France qu’après de longues années, et vivent rongées par la peur d’être arrêtées et renvoyées aux Philippines.
J’essaie de faire parler leur silence, leur fatigue, leur solitude, à travers leur seul moyen de subsistance : ces mains.»
Ryan Arbilo
Aida, 2010 © Ryan Arbilo