OPIUM, «CHACUN DE NOUS EST UN DÉSERT...» © Soraya Hocine
Le Petit Oiseau Va Sortir 5 Rue de Mont-Louis 75011 Paris France
« Chacun de nous est un désert : une oeuvre est toujours un cri dans le désert. » François Mauriac.
À la lueur de la poussière, Soraya Hocine compose le souvenir d’un portrait de famille volatile et pourtant inscrit dans la mémoire. De volatile, il n’y a pas que le temps à l’image de ces oiseaux empaillés cernant la liation. Les êtres vulnérables ne s’imposent pas dans le groupe mais ils coexistent pour faire partie du monde. Dans l’altérité se construit l’individualité. Le cercle familial est un espace refuge où les liens entre les individus se façonnent, se tissent et parfois se délient. Au sein des « pensions de familles » vivent des personnes marquées par l’expérience de la vie. Ici, les rayons du soleil éclairent une pièce abandonnée tel l’espoir dans un avenir incertain. « Contrairement à ce qui se passe en privé et dans la famille, dans l’obscurité des quatre murs, tout apparaît ici dans cette lumière que seule (...) la présence des autres peut créer.» Hannah Arendt envisage la politique à travers le monde qui s’intercale entre chaque homme. Paradoxalement, au sein de la famille cet espace de liberté se transforme en lieu clos. Comment faire oeuvre avec la politique ?
OPIUM, «CHACUN DE NOUS EST UN DÉSERT...» © Soraya Hocine
La figure symbolique de Marianne évoque un monde à la fois commun pour tous et singulier à chacun. Dans la pensée arendtienne, la tension politique se réalise entre le lien et l’écart, entre l’universel et la pluralité, entre le désert et les oasis. La vie chemine dans cet entre-deux. L’existence de l’un implique la présence de ces « fontaines qui permettent de vivre ». Au coeur de la devise républicaine, le peuple habite le désert et évolue dans les oasis dans lesquelles il se ressource, créé, imagine, rêve, résiste, respire.
Reprendre son souffle !
Au coeur de la nature indomptée lozérienne, le panorama est dénué d’habitations. Le relief en creux et la vaste étendue enneigée perturbent l’horizon. Le grain photographique convoqué par la technique du tirage Fresson semble pictural. L’apparence désertique dissimule la force d’un paysage mental. La liberté de ce lieu est ambivalente, du désert né l’imaginaire. À travers l’épais brouillard, les branches de l’arbre dessinent un songe. La tête posée sur un oreiller euri, cette femme dort debout. Les yeux clos, un monde intérieur s’offre à elle. Dans cette oasis intime qu’elle est la seule à ressentir, elle échappe à la solitude du réel.
Elle inspire... Elle expire...
Soraya Hocine raconte la vie, rencontre l’humain. Au fil de ses entrevues, elle observe les histoires particulières de ces personnes fragiles et résistantes. Ces moments partagés imprègnent l’atmosphère de contrastes atténués. Telle la photographie où un clou persiste dans ce mur gris délavé. Face à lui, dos à nous, elle fixe cette représentation déchue, ces images du passé. Aujourd’hui, la vie déconstruite par les épreuves se relève et se révèle. Dans la lignée d’une onde lumineuse, la nostalgie d’une femme s’efface pour laisser apparaître l’espérance de sa descendance. Dans le refl et d’un miroir embrumé, la silhouette de l’artiste apparaît en filigrane. Après avoir observé le peuple voguant entre désert et oasis, l’oeil photographique est à son tour contemplé. Le re flet de soi existe dans le regard de l’autre.
« L’oeuvre d’art est humaine ».
Par Sandy Berthomieu
OPIUM, «CHACUN DE NOUS EST UN DÉSERT...» © Soraya Hocine
Au fil des voix, des silences, des battements du temps, Julien Cernobori propose d’entendre des fragments de paroles, pas un discours, peut-être un dialogue de sourds, des mots pour soi, qui résonnent à chacun comme l’écho de la question posée par Christian Boltanski dans l’une de ses installations « Qui êtes-vous? ».
Une femme entonne la joie, un homme martèle qu’il est vivant, les ruines sont proches, l’amour courtise la guerre, un adolescent ne s’interroge pas, on veut que ça continue, les silences rompent le flot nous laissant des éclaboussures, à peine des images, ces fantômes apparaissent dans la lumière d’un phare intermittent, répondent à nos questions absentes, se décrivent, disent pourquoi ils sont là, disparaissants, la vie normale, parfois drôle, commune et ahurissante.
Ces fragments lumineux et sensibles ressemblent effectivement à de courtes photographies, de celles sur lesquelles peu s’attardent, qui s’amoncellent et se superposent en un peuple quotidien de rencontres fugaces
Grégoire Louis
OPIUM, «CHACUN DE NOUS EST UN DÉSERT...» © Soraya Hocine