The National Congress Palace, c.1960 © Marcel Gautherot
Maison Européenne de la Photographie 5, 7 Rue de Fourcy 75004 Paris France
Le travail de Marcel Gautherot, photographe français ayant vécu la majeure partie de sa vie au Brésil, est capital dans l’histoire récente de la photographie brésilienne. Il a travaillé de son vivant avec les plus grands noms de la culture brésilienne, tels que Rodrigo Melo Franco de Andrade et Lúcio Costa à la Commission Nationale du Folklore, Oscar Niemeyer, pour qui il photographia la construction de Brasilia, ou encore Roberto Burle Marx, documentant ses principaux projets d’architecte paysagiste.
Le travail photographique de Marcel Gautherot au Brésil se caractérise par une couverture territoriale et régionale visant à l’exhaustivité, une immense diversité thématique et une qualité esthétique extraordinaire, qui puise dans sa formation initiale d’architecte, notamment d’intérieur, en France. Les deux piliers de son travail, la photographie d’architecture et la photographie ethnographique, témoignent chez Marcel Gautherot d’une vision particulièrement forte qui prône l’importance de la forme comme outil narratif lui permettant de structurer et d’apporter de la profondeur à ses projets documentaires au long cours. Cette démarche a marqué les cinq décennies de sa carrière au Brésil et a fait de lui l’un des photographes les plus importants de l’après-guerre dans le pays. La place fondamentale qu’il accorde à la recherche formelle se traduit également dans la manière dont il a organisé de son vivant ses propres archives photographiques, comptant près de 21.000 négatifs noir et blanc et 2.200 planches contact, classées pour permettre une lecture claire et détaillée de son travail, sans oublier près de 3.000 diapositives et négatifs couleur.
Le travail de Marcel Gautherot, avec toutes ses spécificités, est néanmoins resté largement méconnu du grand public jusqu’à sa disparition en 1996. À Sa mort, sa famille a transféré l’ensemble de son œuvre à l’Instituto Moreira Salles, principale institution brésilienne dédiée à la préservation des collections photographiques. L’Institut a mené un travail intensif de préservation et de conservation des œuvres, qui ont été dans le même temps numérisées, cataloguées et indexées, tandis que les tirages originaux et les négatifs ont été placés dans un environnement protégé afin d’assurer leur préservation. Une diffusion large et systématique de son travail auprès du public a ensuite été entamée dès l’année 2001, avec une importante exposition et la publication du catalogue Le Brésil de Marcel Gautherot.
Plusieurs autres publications et expositions ont été présentées durant les vingt années qui ont suivi sa disparition, s’attachant à préciser dans le détail son statut de photographe essentiel de l’architecture moderne au Brésil, ainsi que sa manière de documenter en profondeur les spécificités géographiques et culturelles brésiliennes.
L’exposition « Brésil : tradition, invention », présentée à la Maison Européenne de la Photographie du 15 juin au 28 août 2016, est la première rétrospective majeure de son travail en dehors du Brésil. Elle a lieu dans sa ville d’origine, Paris, remplissant ainsi une double fonction. Cette exposition vise premièrement à réhabiliter Marcel Gautherot au sein de sa culture d’origine, le milieu intellectuel et artistique du Paris des années 1930 où, jeune architecte moderniste et photographe diplômé de l’ENSAD, admirateur et suiveur de la vision portée par Le Corbusier, il se montre très actif, gravitant notamment dans les cercles du Musée de l’Homme et de l’agence photographique Alliance Photo. Deuxièmement, elle vise à présenter son impressionnant travail photographique à un public international, en mettant l’accent sur sa relation privilégiée avec l’architecte Oscar Niemeyer, que l’on pourrait rapprocher du travail de Lucien Hervé avec Le Corbusier, ou de celui de Julius Shulman face aux édifices de Richard Neutra.
L’œuvre de Marcel Gautherot a eu une influence considérable dans les représentations et les imaginaires modernes associés au Brésil, aussi bien au sein du pays qu’à l’étranger. Son projet documentaire monumental sur le Brésil, dont les archives conservées à L’Instituto Moreira Salles à Rio de Janeiro sont le témoignage, a été conçu avec une sensibilité immense et une extraordinaire conscience formelle, constituant un héritage durable pour la culture brésilienne et un témoignage important des liens qui unissent le Brésil et la France, en même temps qu’un enseignement précieux pour comprendre l’importance de la photographie, en tant que langage nomade et résolument international, dans la construction de la modernité et de la contemporanéité.