on observe volontiers la chenille et le papillon. ce qui attire ana tornel, c’est la chrysalide, cette phase de mutation parmi les plus spectaculaires qu’offre la nature. mais les nymphes de la photographe sont humaines. car notre vie d’humain est parsemée de chrysalides, des périodes où nous connaissons des changements de toute nature, physiques autant que psychiques.
au-delà de l’adolescence, où chacun fait sa mue pour passer de l’enfance à l’âge adulte, nos chrysalides sont ces états de doute, de tension ou de bouleversement où, derrière une fragilité apparente, se meuvent et s’opposent des forces puissantes, parfois violentes, dont on ne peut savoir à l’avance ce qu’il en sortira.
pour la photographe, il s’agit aussi de capter la lutte quasi incessante que se livrent l’âme et le corps. observant cette enveloppe charnelle qui se découvre face à l’objectif, elle cherche à saisir l’esprit qui l’anime. cette opération se fait en douceur, en complicité et en harmonie avec son modèle, qui cesse alors de l’être pour s’affirmer en tant que personne.
la chrysalide en vient à symboliser le travail d’ana tornel, et cette alchimie éphémère qui naît entre elle, son sujet et la technique du collodion humide. même quand on la maîtrise parfaitement, celle-ci reste assez forte pour imposer sa loi au photographe, ébranler ses certitudes, et lui proposer autre chose – un champ inconnu, une expérience inédite. c’est souvent lors de ces dérapages que, loin de l’idée préconçue, de l’image fantasmée, le sujet apparaît tel qu’il est.