Gisèle FREUND (Berlin 1912-Paris 2000) Pierre Bonnard, Le Cannet, 1946, épreuve argentique, musée Réattu-Arles, Don de l’artiste, 1977 © DR
Après Oser la photographie en 2015, exposition qui célébrait le cinquantenaire de la collection photographique, le musée Réattu poursuit la mise en valeur de son fonds avec un accrochage thématique consacré au portrait.
Aujourd’hui, la notion même de portrait renvoie par défaut à la photographie en lieu et place de la peinture. Mais à quel moment un portrait photographique devient-il une oeuvre d’art ? L’identité du modèle participe de moins en moins à l’intérêt de l’image. Ainsi, le fascinant sujet de la figure humaine est devenu un thème de prédilection pour les photographes qui en renouvellent la pratique et le genre sans limite.
Denise COLOMB (Paris,1902-2004)
Max Ernst, 1954, épreuve argentique, musée Réattu-Arles, don1993 © DR
À travers une sélection d’oeuvres rarement présentées, le musée Réattu aborde cet incontournable sujet qui pose de nombreuses questions. Par exemple, celledes modalités d’exécution du portrait dans sa pratique intime ou artistique, posé ou instantané. L’ensemble permet encore de mettre en avant les recherches formelles développées par certains photographes. Ainsi, l’usage du flou, des déformations ou du cadrage, sont autant de tentatives qui s’affranchissent du visage comme sujet photographique.
Les portraits anonymes sont nombreux. La série intitulée, Portrait d’un peuple, du photographe espagnol Thomas Montserrat fut rarement présentée depuis son entrée dans les collections du musée. Elle illustre une approche documentaire à vocation ethnographique qui témoigne également de la démocratisation de la pratique du portrait grâce à la photographie, entre 1900 et 1944.
Par ailleurs la présentation de séries majeures de photographes « portraitistes » telle Marianne Adelmann, Julia Pirotte ou Denise Colomb qui, en 1993, offrit au musée une série de treize tirages de portraits d’artistes phares, réalisés entre 1950 et 1957, sont autant d’occasions de voir évoluer la pratique. Le choix de Denise Colomb se porte sur une sélection de figures d’artistes, entre autres Nicolas de Staël, Giacometti, Max Ernst, Soulages, Calder, qui répondent à la vocation du musée Réattu tout en représentant le genre dans sa dimension la plus académique.
Jeanloup SIEFF (Paris, 1933-2000)
Jane Birkin, 1969, Épreuve argentique, musée Réattu-Arles, Dépôt des Rencontres, 2002 © JeanLoup Sieff
A côté de ces célébrités qui ont façonné l’art du 20esiècle, l’exposition permet de découvrir des portraits issus de l’actualité. Le travail de Benedict J. Fernandez et son incroyable portfolio sur Martin Luther King, Countdown to Eternity, est à cet égard très marquant. Témoin d’un engagement politique fatal, le photographe accompagne le personnage dans son parcours militant et fixe les étapes d’une ascension qui façonne l’image d’un homme devenu l’un des symboles du combat pour la liberté. Au terme d’une année de complicité, l’ultime portrait de la série est mortuaire. Il est capturé lors des obsèques de Martin Luther King, sous le regard de son épouse et de ses enfants, et consacre la dimension devenue mythique du personnage mais aussi les stigmates du sacrifice d’une famille.
Cet accrochage est indissociable de l’histoire de la photographie à Arles qui sera évoquée par une série de portraits de Georges Tourdjman représentant aussi bien Man Ray, que Maryse Cordesse, Lucien Clergue et Jean-Maurice Rouquette, ainsi que de nombreux photographes ayant contribué au festival des Rencontres.