Loulou de la Falaise et Jacques de Bascher, Paris, 1980 © Philippe Morillon
Saywho lance http://gallery.saywho.fr, la première galerie digitale dédiée à la photographie mondaine et relationnelle. Cet espace est consacré à ce phénomène depuis sa création jusqu’à l’époque contemporaine en traitant à la fois de ses pratiques journalistiques et artistiques.
Saywho Gallery propose à la vente des tirages signés et numérotés par les photographes exposés. Sa programmation cherche à mettre en valeur les différentes pratiques et approches de ce courant photographique qui documente la vie nocturne (et parfois diurne) de différentes tribus résolues à devenir immortelles. Une immortalité acquise grâce à la magie de la photographie qui, comme le disait Patrick Modiano, « fixe le rêve pour toujours ».
Inès à la casquette et au néon (Martial Raysse), Paris, 1979 © Philippe Morillon
Pour sa première édition, Saywho Gallery propose une exposition sur Philippe Morillon et sa documentation de la vie « désordonnée » des années 80. Photographe « embarqué », il appartient au milieu qu’il photographie en artiste, de travers. Ce n’est pas un reporter professionnel, juste un témoin de l’intérieur
En 1968 Andy Warhol déclarait dans le catalogue de son exposition au Moderna Museet de Stockholm : « à l'avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale. » Celui qui dressa le portrait de sa génération afin de dit-il « se rappeler où il était à tel instant précis », était un chroniqueur inlassable de la vie et des rencontres qu’elle offre. Transportant son appareil photo Polaroïd à peu près partout où il allait, il rassembla une immense collection d’instantanés montrant ses amis, ses amants, ses mécènes, des célébrités, des inconnus, des gens de la scène, de la mode et lui-même. Il ne savait peut-être pas alors que sa prédiction allait avoir lieu plusieurs dizaines d’années plus tard. Aujourd’hui toute une génération se voit désormais comme héritière d’Andy Warhol, reproduisant dans une nuit sans fin mais surtout sans frontières ce qui fit jadis le succès du visionnaire pop : se photographier soi et ses proches mais aussi proposer une contestation des codes artistiques établis en prônant un décloisonnement radical entre l’art et la vie tout en s’ouvrant à la banalité du quotidien.
Diane de Beauvau et Jacques de Bascher au bal de l’opéra, Paris, 1979 © Philippe Morillon
Les années 80 et 90 sont immortalisées par Nan Goldin, Larry Clark ou encore Wolfgang Tillmans puis une nouvelle scène voit le jour explorant de nouveaux territoires plus diffus et tout aussi fascinants. Là où les anciens, proche de la photographie sociale et du photo journalisme ont crée un mouvement artistique, les nouveaux acteurs de cette pratique explorent de nouveaux champs d’action invoquant une forme d’amateurisme éclairée. Instagram en est un des terrains de prédilection. Avant Olivier Zahm il y eut Jean Pigozzi et Bob Colacello, il y eut Billy Monk et ses images des clubs de Cape Town, le Montmartre de Brassaï, le journal photographique de Robert Frank ou celui de Nobuyoshi Araki, le journal filmé de Jonas Mekas et beaucoup d’autres. Plus qu’une pratique, il s’agit bien d’un courant photographique hérité du photojournalisme et dont le sujet a muté alors que l’outil s’est démocratisé. En reproduisant par mimétisme le même geste photographique, nous formons parfois sans le savoir une grande famille, unie, aimée et amie. Le geste photographique partagé par tous signe un ralliement, le sentiment de faire partie du monde au milieu des autres et avec les autres. Le selfie c’est aussi ça, un repère, un symbole et pour beaucoup un ancrage. Aujourd’hui chacun documente sa vie, tout le monde raconte sa propre histoire en images afin de sauvegarder comme le dit si bien Emily Dickinson dans sa préface au livre de Bob Colacello : « l’espoir, cette chose avec des plumes qui se perche sur l’âme ».
Saywho Gallery souhaite mettre en avant les photographes dont les travaux reflètent et capturent la vie mondaine, quelle qu’en soit l’époque, au travers d’expositions digitales
Andrée Putman, Paris, 1977 © Philippe Morillon
« Un âge d’Or de la nuit parisienne : c’est avec huit portraits de femmes (du monde … et de ce monde des années 80, en référence à un film de François Ozon, et pas aux nouvelles de Marceline Desbordes-Valmore, comme vous le pensiez tous) que j’ai choisi arbitrairement de faire la micro histoire visuelle d’une micro société, celle à laquelle j’appartenais. Plus les photographies vieillissent, plus les temps de leur prise de vue s’éloignent, plus elles sont intéressantes, ces images de mes soirées de jeune artiste « branché » banales à leur époque, sont devenues magiques, comme les photographies d’Eugène Atget, simple documentaliste du XIX e siècle, qui sont devenues artistiques grâce aux surréalistes le siècle suivant. J’ai vécu une sorte de parenthèse enchantée, de belle époque, qui par contraste avec la dureté des temps récents séduit les plus jeunes et les nostalgiques. C’est autant l’effet « Bal des Guermantes » sur les rides des survivants qu’une foule de détails de mode et d’attitudes d’une autre époque, qui frappent l’œil, et dressent un portait d’une société disparue depuis quarante ans. »
Philippe Morillon