© Gilles Ribero
Expositions du 15/1/2016 au 5/3/2016 Terminé
Archiraar Rue de la Tulipe, 31A 1050 Bruxelles Belgique
Suite à l’invitation d’Archiraar, la critique d’art et curatrice Septembre Tiberghien a proposé à cinq artistes de la galerie et trois invités d’investir les deux espaces d’exposition de la rue de la tulipe. L’exposition intitulée Le geste de l’admoniteur se pose à la fois comme une expérimentation à l’attention du spectateur et une réflexion sur le processus de création.Archiraar Rue de la Tulipe, 31A 1050 Bruxelles Belgique
À la Renaissance, les peintres ont mis au point plusieurs subterfuges pour permettre au regard de se focaliser sur un détail précis de la composition. Ainsi, hormis l’usage de la perspective, qui permet de faire converger les lignes de fuite en un seul point, les artistes se sont également servis d’un personnage qui regarde en direction du spectateur et pointe de l’index l’action principale à regarder dans le tableau. Cet acte de désignation a été nommé par Alberti, le premier historien de l’art, le geste de l’admoniteur.
Admoniteur : celui qui avertit (vient d’admoneo, qui signifie « avertir »). Ce mot qui évoque une science antique du voir, une façon de regarder au-delà du visible et du cadre pourrait tout aussi bien s’appliquer de nos jours au théâtre, au cinéma (le fameux regard caméra) ou encore à la publicité. Avertir, c’est tout autant prévenir, anticiper une action à venir pour la rendre lisible et intelligible aux yeux de tous, que prendre à parti un témoin et ainsi l’impliquer.
Chacun à leur manière, les artistes choisis pour cette exposition viennent renseigner le spectateur sur la possible lecture à adopter de leur œuvre. Takahiro Kudo propose une lettre en langage codé, qui ne peut être décryptée qu’à l’aide de l’index, pour accéder à l’intimité du message qu’elle recèle. Comme un code morse, une pulsation anonyme, la vidéo de Marc Buchy révèle le moment quasi imperceptible où les images affleurent et se succèdent à la surface de l’œil, coincée entre la rétine et la paupière. En soumettant ses modèles à un éblouissement impromptu et violent avant la prise de vue photographique, Gilles Ribero immortalise les réactions à la surface du visage. Caroline Le Méhauté lie l’infiniment grand et l’infiniment petit en donnant à entendre le grondement de la Terre et le crépitement ténu de la stratosphère. L’invisible, l’impalpable, Roman Moriceau s’en saisit également comme d’un leitmotiv : il diffuse dans l’espace d’exposition un parfum d’exotisme destiné à éveiller les sens du spectateur. Inscrivant sa démarche à la suite d’une tradition picturale séculaire, Falcone vient dévoiler les couches sous-jacentes de la peinture comme autant de réminiscences fantomatiques. Proche de la position du conservateur ou de l’artisan-restaurateur, Sylvio Marchand répare ou corrige des objets pour en dévoiler l’artifice. Enfin, le dialogue qui s’est instauré entre Marie Lelouche et Septembre Tiberghien autour d’une « sculpture instantanée » vouée à la disparition favorise une lecture panoramique de l’œuvre et procède à un renversement de la notion d’auteur.
L’espace du Black cube permet quant à lui de mettre à jour les intentions des artistes à travers le récit de leur création. Il se constitue comme le double négatif du White cube. L’œuvre, invisible, y est évoqué de façon circonstancielle, permettant aux spectateurs de deviner ou d’approfondir sa connaissance de celle-ci. Textes, esquisses et notes de toutes sortes y sont épinglés de manière à révéler l’œuvre finale sous un autre jour. Les deux espaces fonctionnent comme des vases communiquant, le spectateur passant de l’un à l’autre, sans qu’un parcours lui soit recommandé. S’il ne fait aucun doute que l’art est une question de langage, voire de message, l’artiste est sans doute celui qui est le plus à même de pointer ce qui dans son œuvre fait sens.