© Aglaé Bory
Expositions du 5/12/2015 au 6/2/2016 Terminé
La Conserverie - Metz 8 rue de la petite boucherie 57000 Metz France
Aglaé BoryLa Conserverie - Metz 8 rue de la petite boucherie 57000 Metz France
Cette femme avec cet enfant.
L’appareil photographique est, par destination, l’instrument qui permet d’établir des rapports. Un ustensile au même titre que le pinceau et la toile pour le peintre, que la plaque de cuivre pour le graveur. Cependant la comparaison s’arrête là. L’appareil désigne, dans un réel si foisonnant qu’il en devient imperceptible, ce qui deviendra maintenant et à jamais le visible. Un rapporteur, donc. Son objectivité peut être contestée, sa vérité sujette à caution, son témoignage paraître fluctuant. Il n’en demeure pas moins que l’objet photographique se trouve présent sous nos yeux, devenu à son tour chose du monde, au même titre que les objets opaques qui arrêtent notre regard. Si la caméra est un outil braqué sur le réel, elle n’est pas d’essence divine, elle ne fonctionne pas seule et n’a pas de volonté propre. La question est de savoir qui choisit d’établir un rapport, avec quel objet, dans quel but. « Corrélations est une série de photographies qui donnent à voir une femme qui vit seule avec son enfant », dit Aglaé Bory.
© Aglaé Bory
La déclaration d’intention pourrait nous faire pencher vers une compréhension sociologique du projet. Il serait alors question de l’insertion sociale d’une famille monoparentale, des difficultés ou des joies simples d’une femme parmi d’autres, confrontée aux écueils du quotidien le plus ordinaire. Cette interprétation ne connaît de validité qu’à la marge. Aglaé Bory bâtit son corpus autour d’autres questions, sur une autre forme de rapport au temps, à l’espace et aux êtres. Le temps fonctionne ici à de multiples échelles. A la fois vertigineux et linéaire, le temps de la série n’est pas une addition de « moments », terme qui nous paraît plus adéquat que celui d’instant. Les prises de vues ne sont pas accomplies dans l’urgence de l’événement à saisir, du spectacle à capter. Au contraire elles sont le fruit d’une minutieuse mise en scène, dans un espace –personnel ou non- où la lumière tient le rôle déterminant d’écriture des saisons et des heures. Corrélations adopte délibérément une volonté et un statut autobiographiques.
© Aglaé Bory
Il ne s’agit pas stricto sensu d’un journal intime : les situations représentées ont un caractère itératif, alors que le journal intime s’attache plutôt au particulier, à l’écart, au surgissement. Ici, tout peut se répéter chaque jour presque à l’identique : le repas, le sommeil, le jeu, le bain, les promenades et les devoirs. Un éternel retour que seule la lumière changeante fait évoluer, auquel elle confère sa dynamique. Les moments évoqués prennent une dimension atemporelle, un statut flottant. Chimiquement condensés, ils deviennent le substrat du quotidien ; dépouillés de leur insignifiance, ils atteignent à l’archétype. Chaque spectateur peut, dans une démarche presque fictionnelle, identifier des fragments de son propre temps, coller à une biographie qui n’est pas la sienne et pourtant revêt un prestige d’universalité. Dans la subtile durée créée par Aglaé Bory, la différence se superpose à la répétition, l’émotion du particulier engendre le flux de la mémoire commune.
Vernissage le 4 décembre 2015 à partir de 18h