Yan Morvan, Champs de bataille
Expositions du 7/11/15 au 22/11/2015 Terminé
Magnum Gallery Paris 13 rue de l'Abbaye 75006 Paris France
Yan Morvan est né à Paris en 1954. De 1980 à 1988, il rejoint l’agence Sipa et devient correspondant de l’hebdomadaire américain Newsweek, pour lequel il couvre les principaux conflits : Iran-Irak, Liban, Irlande du Nord, Afghanistan, Rwanda, Kosovo entre autres. Photographe indépendant depuis 1988, reconnu comme l’un des plus grands spécialistes de la photographie de guerre, il collabore régulièrement avec la plupart des grandes publications internationales. Ses reportages de guerre lui ont notamment valu une mention pour le prix Robert-Capa, pour son travail au Liban en 1983, deux prix du World Press Photo et de nombreuses récompenses décernées par les écoles de journalisme américaines.Magnum Gallery Paris 13 rue de l'Abbaye 75006 Paris France
Depuis 2004, Yan Morvan s’est lancé dans une véritable campagne photographique, rassemblée dans Champs de bataille. En parcourant le monde avec sa chambre à la recherche de ces lieux qui ont fait l’histoire sur 3500 ans, il a arpenté l’Europe, l’Afrique, le Moyen Orient, le Pacifique, l’Asie, l’Amérique. Ce travail minutieux et patient est l’aboutissement de plus de 10 ans d’études, de recherches et de questionnement.
Yan Morvan, La bataille de Lumphanan
Mais comment parler de la guerre avec des paysages immobiles ? Comment montrer l’histoire qui s’est déroulée dans ces lieux sans utiliser de procédés techniques dramatisant ? Si les conditions de travail diffèrent de celles d’un photoreporter de guerre, Yan Morvan continue en fait à photographier la guerre à travers son absence. Pour atteindre ce résultat à chaque champ de bataille, une même méthodologie :
- S’interroger sur les motivations profondes de la bataille : était-ce un combat d’idées, un combat qui a changé le destin de l’humanité ou s’agissait-il d’un combat matérialiste, territorial ou plus trivial ?
- S’interroger sur la dimension tactique et l’enchaînement des évènements : Choisir l’endroit de la prise en fonction de ce qu’il s’est passé durant la bataille mais aussi de la solidarité envers les soldats tombés. Ainsi à Waterloo, la photo sera faite à l’endroit où la jeune garde reflue, l’endroit où Napoléon perd la bataille... Toujours se demander en arrivant sur un site qui sont les belligérants, où se positionnait le soldat au sein de la bataille? Que voyait-il, quelle était sa ligne d’horizon ? La guerre est une question de relief et de topographie. Ce travail de Yan Morvan met ainsi en application certains principes de tactique énoncés par Clausewitz : « Le terrain oppose des obstacles au mouvement, il gêne et limite la vue, il contrarie ou annule l’efficacité du feu » Donc pour le photographe où se placer sur le terrain, quels sont les obstacles liés au relief et à la lumière ?
- Les photographies doivent respecter la topographie du terrain en fonction de la bataille qui s’y est déroulée même si cela peut se révéler complexe. Pour réaliser l’image de la Bérézina, une journée et demi fut nécessaire, une véritable expédition à pied dans la neige avec le matériel.
- Respecter l’esprit des lieux, revivre chacune des batailles à travers des lectures, l’imagination et l’empathie avec le soldat. Ainsi à Saint-Jean- d’Acre, la photo est prise depuis les remparts. Elle reproduit le regard du croisé en poste qui attend l’assaut par la mer des Mamelouks. Pour le soldat, il ne s’agit pas de regarder ce que l’on protège mais l’endroit d’où le danger peut surgir. Le regard se porte ainsi vers l’horizon d’où l’ennemi arrive.
- S’affranchir des mythes véhiculés par l’Histoire et montrer la réalité des lieux. Si la Bérézina ou Le Pont d’Arcole sont des batailles légendaires, les lieux sont en revanche d’une banalité confondante...La prise de vue n’a pas pour dessein de magnifier ou d’interpréter, elle révèle sans artifice la réalité du lieu en le respectant. Nous ne sommes pas tant dans le projet d’un plasticien que dans celui d’un enquêteur. Travailler avec une chambre comporte de plus une relation toute particulière avec le sujet. Fixer un point, mettre un trépied, avoir ce temps qui prépare le déclenchement de l’image, du cliché, un temps fait d’immersion dans le sujet, d’acuité visuelle et d’émotion. L’utilisation de la chambre en bois 20x25 induit le respect du paysage. L’image est faite mais n’est pas volée et le nombre de prises de vue est limité. Parfois une seule prise de vue après un long voyage et une méticuleuse recherche des lieux...L’émotion passe par la réalité du sujet sans effets de cadrage et de lumières. Les images portent en elles les traces de l’Histoire, elles livrent le récit de tous ces hommes qui se sont battus pour une cause. C’est la force des lieux qui donne une densité singulière à Champs de bataille. Il peut ainsi se lire comme un hymne à la nature qui reprend ses droits après le chaos.